Hervé Legros (Alila) : "Je pense qu’il faudrait fixer un plafond de prix au m² dans les dispositifs de défiscalisation"
Construire plus, plus vite et moins cher, simplifier les règles d’urbanisme, rendre les bailleurs sociaux plus forts… Un certain nombre de dispositions de la loi Elan devrait être favorable au logement social. Le promoteur lyonnais Alila, spécialisé dans la vente en bloc de logements sociaux et intermédiaires, s’en félicite même si son patron Hervé Legros critique vivement les prix de l’immobilier français qui sclérosent le parcours résidentiel. Il formule cependant de grandes ambitions pour son groupe qui maille désormais presque toute la France.
Bref Eco : Vous plaidez régulièrement pour que la France mette les bouchées doubles en matière de construction de logements. Quel regard portez-vous sur la loi Elan votée il y a quelques jours ?
Hervé Legros : Je suis ravi que la loi ait été votée mais elle ne peut pas tout. Et concernant le logement, la loi est seulement un socle. II y a, en France, 2 millions de personnes qui attendent un logement social et 4,4 millions de mal-logés. Ce sont aux élus d’agir. En 2014, de nombreux maires « bâtisseurs » ont perdu les élections. Il y a une sorte de psychose de certains élus qui arrêtent de construire avant les municipales. Si les chiffres du logement ne sont pas bons depuis le début de l’année, c’est pour cette raison. C’est d’autant plus vrai dans le logement social pour lequel nous avons besoin de l’accord des villes pour construire.
Je pense que la vraie question que les maires devraient se poser est de savoir s’ils sont les élus d’une ville dans laquelle les gens peuvent se loger. Car le prix des logements est au centre de tout. Les logements sont tellement chers qu’en dix ans, les appartements ont perdu en moyenne 10 m² !
Bref Eco : Quelle est l'origine du phénomène selon vous ?
H.L. : C’est le résultat des politiques de défiscalisation qui produisent une offre adaptée aux investisseurs, mais qui n’est pas en adéquation avec la demande de logement. On construit uniquement des T2 et des T3 et presque plus de logements familiaux. Heureusement, les débats que nous avons pu avoir avec les élus et les responsables pendant la préparation de cette loi montrent une véritable prise de conscience à propos de la loi Pinel et ses effets néfastes sur les prix. Julien de Normandie (secrétaire d'État auprès du ministre de la Cohésion des territoires depuis juin 2017, devenu ministre chargé de la Ville et du Logement en octobre 2018, NDLR) m’a dit que l’objectif du gouvernement était de faire baisser les prix. Moi je pense qu’il faudrait fixer un plafond de prix au m² dans ces dispositifs de défiscalisation.
95 % des opérations n’atteignent pas le plafonnement des PLU
Bref Eco : Vous souhaitez que la France produise plus mais c’est prendre le risque d’amplifier l’étalement urbain…
H.L. : Non ! Car aujourd’hui on perd des milliers de logements en dédensifiant. C’est dramatique. Quand les PLU autorisent des R+4 ou R+5, les élus nous demandent de nous limiter à des R+2 ou R+3. 95 % des opérations n’atteignent pas le plafonnement des PLU. Les élus freinent la hauteur.
Bref Eco : Les maires ont probablement peur des tours…
H.L. : Il n’est pourtant pas question de réaliser des tours. Revenir à des hauteurs haussmanniennes, cela suffirait. Or, personne ne se plaint de la hauteur de ces bâtiments.
Bref Eco : Qu’est-ce qui vous satisfait dans la loi Elan ?
H.L. : Pour construire plus, il faut vendre en VEFA. Contrairement à ce qui avait été évoqué un temps, la loi ne pose pas de limite. En ce sens, elle conforte notre modèle de vente en bloc aux institutionnels. Je note aussi un point positif quant à la gestion des recours par la justice qui devra être traitée en dix mois maximum.
Les bailleurs verront leurs fonds propres être renforcés et pourront à nouveau investir
Bref Eco : Quid des autres mesures annoncées ? Regroupement des organismes de logements sociaux, assouplissement des conditions de vente des logements sociaux…
H.L. : C’est positif ! Les regroupements ont été opérés au sein du 1 pourcent patronal devenu Action Logement. Cela va se passer maintenant avec les bailleurs sociaux et cela les renforcera. Avec la vente de logements HLM en bloc, les bailleurs verront leurs fonds propres être renforcés et pourront à nouveau investir. C’est bénéfique aussi !
Bref Eco : Des mesures plutôt favorables à l’activité d’Alila. Quels sont vos objectifs ?
H.L. : En 2017, nous avons réalisé 327 millions d'euros de chiffre d’affaires. En 2018, nous allons réaliser 496 millions d'euros pour un volume d’activité de 1,4 milliard. Cela représente 8.500 logements réservés avec 65 clients. Au regard des prix du foncier, on ne fait plus uniquement du social. Notre production se répartit en 60 % en locatif social, 20 % en locatif intermédiaire, 10 % en accession sociale et 10 % en accession libre à prix modéré. Ce marché a un potentiel d’environ 250.000 logements par an en France. En 2019, nous en vendrons entre 10 000 et 12 000 et nous estimons pouvoir réaliser 10 % du total dans les 5 à 10 ans.
Nous souhaitons être le premier promoteur national du logement pour tous. Pour nous développer, nous devons faire des efforts dans la recherche des terrains et nous faire connaître là où nous sommes récemment arrivés. Notre maillage du territoire est pratiquement achevé. Nous devons maintenant renforcer nos agences. Notre entité francilienne grossit d’ailleurs beaucoup. Le potentiel y est énorme.