L’usine de Saint-Just-Saint Rambert abrite 140 machines à tricoter et produit 20 000 paires de bas/jour. 7 M€ y ont été investis en trois ans. La fabrication intègre cinq étapes sur six (le guipage est réalisé à Andrézieux-Bouthéon).
L’industrie textile française a rapidement suffoqué sous la pression de la mondialisation. Aujourd’hui, il n’en reste plus grand-chose : fabriquer des vêtements dans l’Hexagone, vous n’y songez pas ! Mais quelques résistants aux sirènes de la délocalisation avancent encore la tête haute...
Dans le bassin stéphanois, c’est le cas de Sigvaris, héritier visionnaire d’une tradition textile locale issue de la rubanerie et de la passementerie (Thuasne, Gibaud…). En 35 ans, ce fabricant de bas de contention à usage médical et sportif est passé de 45 à 800 salariés dont 430 à Saint-Just-Saint-Rambert, le site le plus important du groupe qui vient d’ailleurs d’être reconfiguré pour accroître sa production de 30 %.
Alain Berthéas, resté à la tête de l’entreprise familiale malgré son rachat par le groupe suisse Ganzoni en 1997, est un homme de conviction. « L’industrie met du temps à se construire. Développer des produits de santé comme les nôtres doit s’inscrire dans le long terme ».
Selon lui, il faut savoir résister à la seule vision d’une marge immédiate : sur ce plan, le dirigeant a toujours été sur la même longueur d’onde que son actionnaire helvétique, détenu lui aussi par des capitaux familiaux. On sait que la Suisse, qui sait valoriser le travail manuel, a su, elle, conserver ses usines et ses emplois industriels.
Innover, c’est apporter une réponse adaptée à des besoins.
Vision de long terme, donc. Et innovation permanente. « Mais gardons-nous de certains lieux communs. Ainsi, l’innovation ne relève pas de la seule sphère technologique ! Innover, c’est apporter une réponse adaptée à des besoins. Pour y parvenir, il faut capitaliser sur l’expérience de l’entreprise, tout en écoutant les marchés. C’est ce qui nous a poussés, par exemple, à tricoter des chaussettes à base de fibres de lin ou de cellulose de bambou, chacune de ces matières apportant des qualités de confort différentes selon le type de clients finaux, selon la culture des pays à servir ». Du coup, l’équipe de R&D de Sigvaris (25 ingénieurs et techniciens) doit travailler avec les marketeurs qui, eux-mêmes, visitent régulièrement les ateliers.
Entrepreneuriat et politique
Alain Berthéas se méfie d’ailleurs des discours à la mode sur l’industrie 4.0 : « N’oublions jamais que l’industrie, c’est avant tout des femmes et des hommes. Et ce n’est pas avoir la nostalgie des fumées d’usines que de le dire ». Est-ce cette conscience sociale de l’entreprise (« derrière chaque salarié, il y a aussi une famille ») qui l’a poussé à s’engager en politique ? Président (UDI) de la communauté d’agglomération Loire-Forez, ce patron-élu est une exception dans le paysage politique.
Fustigeant les professionnels de la chose publique, il y fait souvent figure d’empêcheur de tourner en rond, apportant une expérience de l’entreprise à des élus qui en sont généralement dépourvus. Et si Alain Berthéas se déplace depuis longtemps dans le monde entier, il reste très attaché à son territoire ligérien : l’homme politique entend répondre aux besoins de ses habitants ; le chef d’entreprise, lui, veut créer des emplois et animer les réseaux locaux (pôle de compétitivité Techtera, Cité du design de Saint-Etienne, recrutement d’apprentis…). Car il en est persuadé : il n’est pas trop tard pour redresser l’industrie française.
Zoom sur Sigvaris
Groupe Sigvaris : siège en Suisse (Winterthur), détenu par la famille Ganzoni ; CA 2016 : 226 M€ avec 1.500 salariés ; 5 sites de production et 9 filiales dans le monde.
Sigvaris France : 830 pers. à Saint-Just-Saint-Rambert, Andrézieux-Bouthéon (Loire), Huningue et Saint- Louis (Haut-Rhin) ; CA 2016 : 110,5 M€ ; 39 % de parts de marché français annoncés sur les produits de compression médicale.
Cet article a été publié dans le numéro 2284 de Bref Eco.