Nouvelle figure de l'enseignement supérieur phocéen, l’EMD veut transformer le monde des affaires. Elle vient d’achever son nouvel auditorium dont les entreprises peuvent bénéficier gratis pro Deo. Une façon astucieuse pour cette école, présidée par Jacques de Chateauvieux, PDG de Bourbon et membre de l' "Opus Dei", d’accroître son rayonnement.
Depuis que l’auditorium de 450 places de l’école de management EMD à Marseille a ouvert ses portes en mai 2013, il ne désemplit pas. Et pour cause, Xavier Palou, directeur de l’EMD - comme Entreprendre, Manager, Développer - prête la salle aux entreprises partenaires qui souhaitent y organiser des événements. Une démarche "non marchande" dans la droite ligne du projet pédagogique de cette jeune école qui se défend d’être une institution catholique. "Effectivement chez nous, il y a une chapelle et la messe tous les jours mais nous ne sommes pas une institution chrétienne", argumente-t-il.
A la question suivante sur l’absence de mosquée ou de synagogue, le directeur botte en touche : "L’assemblée générale de l’EMD a décidé que ce serait une chapelle catholique alors même que dans l’association, il y a des juifs, des musulmans et des athées. Mais ce n’est pas pour autant que nous sommes sous tutelle catholique ou chrétienne. Notre tutelle, c’est le conseil d’administration de l’école dont le président est Jacques de Chateauvieux."
Ce dernier, PDG du groupe Bourbon, est un membre éminent de l’Opus Dei. Et il ne s’en cache pas, alors même que cette prélature, créée en 1928 et longtemps associée à l'Espagne franquiste, est plutôt réputée pour son extrême discrétion. Objectif de cette institution moins controversée aujourd’hui : aider les fidèles à exercer leur spiritualité dans le cadre de leur activité professionnelle et essaimer dans les classes dirigeantes.
Créée il y a huit ans à Marseille sur les décombres d’une ancienne école par une poignée d’entrepreneurs qui veulent changer le monde, l’EMD veut former les décideurs éthiques de demain. "Plutôt que des individus à qui on transmet des savoirs techniques, nous voulons former des personnes dans toutes leurs dimensions humaines y compris spirituelle en les faisant grandir autour des valeurs universelles, les quatre vertus cardinales qui nous viennent de la Grèce Antique : prudence, justice, courage et tempérance", explique Xavier Palou. Ainsi, l’école met-elle à la disposition des étudiants, dans ses locaux, une salle de sport et une chapelle animée, comme il se doit, par un aumônier de l’Opus Dei.
Partie avec une première promotion de 30 étudiants, la jeune école a accueilli 400 élèves en 2012-2013. Son nouveau bâtiment de 7 200 m², taillé pour accueillir jusqu’à 1 500 personnes, est situé à deux pas de la gare Saint-Charles, au sein du futur quartier Euroméditerranée, tout contre la Bourse du travail Benoit Frachon... L’école y a pris ses quartiers fin 2012. L’investissement de 22 millions d'euros a été réalisé grâce à de nombreux dons privés. "L’EMD bénéficie du soutien d’environ 1 000 donateurs à titre privé chaque année, pour environ 1 million d'euros. Mais les donateurs ne tiennent pas à ce que cela soit connu", tempère le directeur.
1 800 candidats ont poussé la porte de l’école au cours des douze derniers mois. Autant d’entretiens individuels, de tests et de jurys à organiser selon un processus de recrutement identique à celui mis en œuvre dans les entreprises. Un sur quatre sera sélectionné pour la prochaine rentrée, afin de suivre les cursus préparant à des diplômes d’Etat de l’enseignement supérieur. "Nous sommes limités par notre système de tutorat qui veut que chaque étudiant soit suivi par un professeur de l’école une heure par mois bénévolement", précise M. Palou. Une déclinaison parmi d’autres de l’éthique de cette l’école dont la devise sobre reste très ambitieuse : "Bien faire ce qui est bien".
Anne-Cécile Ratcliffe
Photo : Le bâtiment et Xavier Palou.
Sud Infos n° 831 du 1er/07/2013