Eurocopter investit encore à Marignane. Recrutements, aménagements, desserte... Gérard Goninet dévoile une vision de long terme sans dissimuler les soucis locaux qui peuvent freiner l'expansion du n°1 mondial des hélicoptères.
A 5,4 milliards d'euros, le chiffre d'affaires d'Eurocopter a progressé de 12 % en 2011. Avec près de 3 000 clients, l'entreprise apparaît de plus en plus mondialisée. Comment cet essor impacte-t-il la région ?
De plusieurs manières, pas toujours perçues de l'extérieur à leur juste valeur ! Eurocopter représente à Marignane 8 000 salariés auxquels s'ajoutent un millier d'intérimaires et 2 000 collaborateurs d'entreprises sous-traitantes. A fin 2012, nous aurons recruté 500 salariés et 200 à 300 intérimaires supplémentaires. En 2011, 77 % de notre chiffre d'affaires a été réalisé hors de la France, de l'Allemagne et de l'Espagne. Par exemple, nous allons inaugurer prochainement une usine au Brésil. Dans les pays où nous signons des commandes, nous formons les populations locales, nous installons des centres de services ou de logistique... C'est indispensable pour gagner des contrats. Mais nous ne délocalisons pas ! Nous embauchons en Provence sur tous les niveaux de postes, compagnons, techniciens, ingénieurs, parce que nous engrangeons ces contrats à l'étranger !
Cette expansion rejaillit également sur le tissu économique à travers vos sous-traitants...
Le mouvement va encore s'accentuer pour accroître, fiabiliser et pérenniser nos liens avec eux. Nous allons créer en périphérie immédiate du site, pour une exploitation début 2013, un village de trois bâtiments de 3 500 m2 pour héberger nos sous-traitants d’ingénierie et de services. L'investissement avoisine 25 millions d'euros. Nous incitons d'autres PME à se positionner à proximité, comme le Groupe Bonnans l'a fait dans la zone des Florides à Marignane ou Weir Power & Industrial à Saint-Victoret.
Nous voulons aussi faire émerger un technocampus alliant les donneurs d’ordres, les PME, l’enseignement scolaire et universitaire, les grandes écoles et les centres de recherches. Les composantes de ce technocampus seraient orientées sur l'ingénierie de services à l'industrie, en partenariat avec Daher, sur un centre de pointe en technologies mécaniques et matériaux du futur, afin d'aider nos prestataires à optimiser leur savoir-faire, ainsi que sur un pôle d’offres de formations d’excellence. Le pôle de compétitivité Pégase, la plate-forme de R&D mutualisée Inovsys, les Arts et Métiers ParisTech d'Aix-en-Provence, l'école Centrale Marseille ou l'UIMM Provence-Alpes offrent des moyens de connecter tout un réseau de PME performantes et novatrices pour déployer la dynamique qui permettra d'atteindre 10 000 emplois supplémentaires d’ici 2017 dans la filière aéronautique régionale. Eurocopter n'a pas pour ambition d'être seul à grandir, mais d'édifier un ensemble cohérent qui profite à tous.
Comment le site lui-même va-t-il évoluer ?
L'enjeu est de capter tous les développements potentiels futurs de notre secteur. Nous étendons, par exemple, de 3 000 m2 les ateliers abritant la chaîne de production de la famille Super Puma, pour une dizaine de millions d'euros. Nous regrouperons d'ici fin 2014 les forces d'ingénierie dans un "Development Center" vitrine de notre expertise. Sa réalisation coûtera 40 millions d'euros. Nous voudrions aussi ouvrir une deuxième entrée à Marignane pour faciliter les accès de nos salariés, et contribuer ainsi à désengorger l’axe routier en direction de l’aéroport.
Les décideurs politiques locaux entendent-ils vos préoccupations en matière de transports en commun ?
Eurocopter n'a pas vocation à être un constructeur de parkings ! Or, pour permettre à nos collaborateurs de venir travailler, nous n'arrêtons pas d'en aménager (+ 1 200 places), alors que nous préfèrerions affecter ces dépenses à des projets industriels à plus forte valeur ajoutée ! La création de la gare de Vitrolles devait être un atout, mais les problèmes de fiabilité des trains rencontrés au début de l’exploitation font que seulement 400 salariés empruntent ce moyen, malgré les progrès constatés. Résultat : le site est saturé de voitures personnelles. Nos salariés, par leur résidence, dépendent de 11 syndicats de transports en commun. Nous réclamons une autorité organisatrice et un titre de transport uniques, aptes à proposer comme à Lille ou Lyon un réseau cohérent et adapté.
Nous versons aux collectivités 7 millions d'euros par an de versement transport. La taxe ne cesse d’augmenter, mais sans amélioration de l'offre. De plus, nous opérons toujours une cinquantaine de lignes de bus ! Eurocopter fait tout pour rester leader mondial. Nous apprécierions que les pouvoirs publics mettent en œuvre les infrastructures et services qui préserveront durablement notre réussite et notre attractivité...
Jean-Christophe Barla
Sud Infos n° 780 du 02/04/2012