Alors que le bâtiment qui doit abriter le réacteur expérimental Iter s’élève rapidement, le Groupement d’intérêt public (GIP) Iter tarde à sortir de terre. Le préfet de Région Hugues Parant a évoqué la semaine dernière sa possible disparition.
Quinze mois après la signature en grande pompe de son acte de baptême officiel, le Groupement d’intérêt public (GIP) Iter attend toujours sa mise en orbite. Alors que les travaux de construction du réacteur expérimental battent leur plein sur le site de Cadarache, cette instance d’accompagnement censée superviser la politique d’aménagement du territoire dans le Val du Durance est plus proche de l’enterrement de première classe que des étoiles. La confirmation en a été faite par le préfet de Région, lors de sa conférence de presse de rentrée, le 11 janvier dernier. "Ce GIP n’était pas fait pour l’Etat, mais pour les élus locaux. Mais si personne n’en veut, on fera sans", a lancé, laconique, Hugues Parant.
Faire sans ? Du côté des élus, on aurait surtout aimé que l’Etat s’engage plus nettement dans le financement de cette structure. Dès le départ, Michel Vauzelle, le président de la Région Paca et Maryse Joissains-Masini, la présidente de la Communauté du Pays d’Aix (CPA), n’avaient d’ailleurs pas caché leur préférence pour la mise en place d’une Opération d’intérêt national (OIN), dispositif fort qui aurait vu l’Etat garder la main sur la politique d’aménagement, avec les financements à la clé. Une piste repoussée par Paris, le gouvernement ayant à l’époque choisi de flécher ses crédits vers la toute nouvelle OIN de la Plaine du Var, près de Nice.
Faute d’OIN, il avait donc été décidé d’opter pour la formule "light" du GIP, un choix étonnant au regard de la dimension planétaire du projet scientifique. Basé à Cadarache, cet instrument de gouvernance "souple, transitoire et peu coûteux", selon les termes de Michel Mercier, le ministre de l’Aménagement du territoire de l’époque, était censé être créé pour une période transitoire (deux ans), avec un budget maigrelet : 1,2 million d'euros pour sa première de fonctionnement en 2011, une dépense couverte par les subventions publiques (Etat : 100 000 euros, Région Paca : 20 000 euros, les six Départements, la CPA et le CEA 10 000 euros chacun) et par des apports en nature du CEA, de l’Etat et des collectivités.
La mission de ce GIP était gravée dans le marbre de son acte de baptême : il était chargé d'élaborer "un schéma d'aménagement stratégique de l'urbanisation et du développement économique du Val de Durance", un territoire allant de Gap (Hautes-Alpes) à Cavaillon (Vaucluse), en suivant la vallée de la Durance. Il devait également préparer le terrain pour la mise en place "d'un outil opérationnel pour la réalisation des projets retenus", scénario qui laissait la porte ouverte à la création d’une OIN.
Faute de consensus politique, la belle ambition stratégique est donc remisée au vestiaire. Et même si le préfet affirme que "la main de l’Etat est toujours tendue", il y a fort à parier que celle-ci risque d’attraper des courbatures à force d’être en suspension dans le vide... Car les élus, qui se disputaient la présidence du GIP à la veille de sa naissance, en octobre 2010, ne semblent pas disposés à assurer le financement d’une structure qui s’apparente à une coquille vide.
Cette absence d’instrument de pilotage et le manque d’entrain de l’Etat pour tenter d’y remédier a de quoi surprendre. Dans le diagnostic du territoire qu’il avait dressé en 2009, celui-ci avait en effet pointé les carences de la gouvernance territoriale dans le Val de Durance. Le document brossait un état des lieux de cet espace "à dominante rurale peu peuplé mais en forte croissance démographique". Un espace en mutation dont le morcellement "entre une multitude de structures institutionnelles aux compétences diverses (...) ne favorisait pas l'émergence d'un projet global et cohérent".
Cette balkanisation se paie aujourd’hui au prix fort sur le terrain : l’étalement urbain généré par la prédomination de l’habitat individuel dans le sud du périmètre qui sert de vase d’expansion à l’urbanisation de la métropole Aix-Marseille entraîne "une consommation des zones naturelles et agricoles ainsi qu’une augmentation moyenne des déplacements domicile / travail", notait le document. Ce mitage est d’autant plus dommageable que "l’on constate une carence des infrastructures de transports collectifs et une desserte ferroviaire du Val de Durance par la ligne des Alpes peu performante". Trois ans et un GIP mort-né plus tard, aucun de ces symptômes n’a disparu...
William Allaire
Sud Infos n° 770 du 16/01/2012