A 150 ans, l’une des plus anciennes entreprises familiales de Grenoble, connue comme « l’inventeur du bouton pression », a su se diversifier et se développer en prônant un management éthique.
Elle est la plus grande entreprise familiale de Grenoble. L’une des plus anciennes aussi : elle fête cette année ses 150 ans. Quand il a fallu construire un nouveau siège social, ARaymond est restée fidèle à ses racines : l’an dernier, celui-ci a été inauguré sur son site historique, à deux pas de la place Saint Bruno.
Un attachement qui n’a nullement empêché le groupe de se développer très loin de ses bases, avec des usines en Europe (Allemagne, Italie, Espagne), en Chine, au Japon, en Russie, en Turquie, au Brésil, aux Etats-Unis et, depuis cet été, en Corée.
Beaucoup la connaissent comme celle “qui a inventé le bouton pression”. Elle s’est effectivement développée, dès le XIXème siècle, en fournissant ce système de fixation aux gantiers grenoblois puis, plus généralement, à l’industrie textile. Mais elle a fabriqué en 1999 ses derniers exemplaires, contrainte d’abandonner la partie face à la concurrence des produits étrangers à bas coût.
Depuis longtemps, elle avait cependant muté vers d’autres horizons : le secteur automobile surtout, auquel elle fournit des systèmes complexes de clipsage, fermeture et autres raccords intégrés aux tableaux de bord, airbags ou connecteurs de fluides. “Dans une voiture, on peut compter plus de 2 000 fixations, en métal et en plastique. Sur les marques pour lesquelles nous travaillons, nous en fournissons en moyenne 600”, explique son président, Antoine Raymond, tout en précisant : “Le coût d’une fixation, c’est 20 % de produit mais 80 % d’études, d’ingénierie et de process. Il faut penser à son ergonomie, à la rapidité et la simplification de son assemblage, à sa tenue dans le temps, etc.”
L’automobile pèse aujourd’hui pour près de 90 % des ventes d’ARaymond et continue d’en porter la croissance à travers le monde. Mais depuis une décennie, l’heure est à la diversification, dans quatre autres directions : l’agriculture (pièces de fixation des plantes cultivées en serre) ; la santé (bouchage des flacons de médicaments) ; le photovoltaïque (fixation des panneaux) et l’industrie (électroménager, air conditionné, armoires électriques…).
Discret, le groupe n’en a pas moins doublé de taille en six ans ! Il s’est mondialisé, mais uniquement pour servir des marchés locaux. Ne parlez pas de délocalisation à Antoine Raymond, il voit rouge : “Mon cauchemar serait de fermer un site”. Dans cette galaxie de sites industriels très autonomes mais sachant travailler ensemble dans un esprit collaboratif, les dirigeants entendent conserver la culture familiale originelle, fortement teintée d’humanisme.
Une philosophie qui, dans la bouche d’Antoine Raymond, se traduit par quelques expressions récurrentes : “Prendre soin des gens”, “les écouter et les reconnaître”, “permettre à leur talent de s’épanouir”, “leur donner le droit à l’erreur”, “être solidaires dans les succès comme dans les échecs”. Adepte du concept de “servant leadership” (management éthique et humaniste, opposé au management autoritaire*), Antoine Raymond a d’ailleurs décidé de soutenir la chaire de Grenoble EM intitulée “Mindfulness, bien-être au travail et paix économique”. Créée il y a deux ans, celle-ci porte une autre vision de l’entreprise. Quand éthique et mondialisation veulent faire bon ménage.
Didier Durand
@didierldurand
* Popularisé dans les années 1970 par l’Américain Robert Greenleaf.
ARaymond en bref
Photo : Antoine Raymond.
Bref Rhône-Alpes n° 2212 du 02/09/2015
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