L’embouchure d’un fleuve (ici, le Rhône) : le lieu idéal pour générer de l’énergie osmotique.
C.Moirenc / photothèque CNR
La Compagnie Nationale du Rhône (CNR) vient de signer avec la start-up Sweetch Energy le premier accord industriel français dédié à une énergie 100 % renouvelable qu’on n’avait pas vue venir, malgré quelques expérimentations menées aux Pays-Bas, en Norvège, au Japon et aux États-Unis : l’énergie osmotique.
Les deux partenaires envisagent des tests dans le delta du Rhône, qu’il faudra suivre de très près. Car le potentiel théorique de cette énergie naturelle est important : on parle de 2.000 TWh d’électricité qui pourraient être produits chaque année sur la planète, soit un dixième de la production mondiale. De quoi se pencher vraiment sur la question.
L’énergie osmotique, quèsaco ?
On sait que les océans renferment un potentiel énergétique énorme : courants, marées, vents, auxquels vient donc s’ajouter l’énergie osmotique. Cette dernière provient de la différence de salinité entre l’eau douce d’un fleuve et l’eau salée de la mer lorsqu’elles se rencontrent. Une énergie renouvelable, indépendante de la météo, prévisible et massivement disponible sur le globe. Comment ça marche ? Selon le principe de l’osmose, le liquide le moins salé se dirige naturellement vers le plus salé. Si on installe une membrane entre les deux milieux, celle-ci subit une pression sur ses parois qui peut actionner une turbine productrice d’électricité. La puissance d’une centrale osmotique, implantée idéalement à l’embouchure d’un fleuve, augmente avec la quantité de membranes installées. Mais la compétitivité de l’électricité ainsi produite bute encore sur le rendement des membranes : c’est là que se joue l’avenir de l’énergie osmotique.
La solution de Sweetch
La start-up bretonne Sweetch, issue de recherches menées par le CNRS et l’ENS, présente une technologie de rupture reconnue. Ses membranes biosourcées, présentant des pores nanoscopiques, sont d’ores et déjà industrialisables et affichent une efficacité permettant d’envisager la production d’une électricité à prix abordable. Créée en 2015 à Rennes où elle emploie une vingtaine de personnes, Sweetch est soutenue par quelques grands noms comme Bpifrance, l’Ademe, Go Capital, Demeter Venture ou encore Future Positive Capital auprès desquels elle a levé 5,2 millions d’euros en avril 2021.
Après une phase de tests réalisés dans le laboratoire lyonnais de la CNR, l’installation d’une centrale osmotique de Sweetch, dans un lieu qui reste à déterminer dans le delta du Rhône, devrait être opérationnelle fin 2023.
Un potentiel énorme sur le Rhône
À l’horizon 2030, l’énergie osmotique produite alors pourrait représenter « deux fois la consommation électrique des habitants de la ville de Marseille », selon la CNR. Frédéric Storck, directeur de l’Innovation à la CNR, premier producteur français d’électricité renouvelable et gestionnaire du fleuve, explique que « le potentiel de l’énergie osmotique sur le Rhône pourrait avoisiner les 5 TWh, soit 30 % de sa production électrique actuelle. Nous pourrions construire une dizaine de centrales osmotiques - un ordre de grandeur - soit près de 4.000 m² d’emprise au sol. La technologie membranaire de Sweetch nous intéresse aussi car elle pourrait aussi s’appliquer à la production d’hydrogène ». Visiblement, comme l’espère Nicolas Heuzé, cofondateur de Sweetch, « l’aventure industrielle de l’énergie osmotique ne fait que commencer. »
Cet article a été publié dans le numéro 2490 de Bref Eco.