Audric Mazzietti, enseignant-chercheur à l’Esdes.
Esdes
La crise du Covid reste un marqueur fort dans l’évolution de la pédagogie. Si le tout numérique a dû être mis en place par nécessité, désormais, « l’enseignement mise sur les relations humaines », selon Audric Mazzietti, enseignant-chercheur à l’Esdes, dont un sujet de recherche est la psychologie de la motivation en lien avec la pédagogie numérique.
Que vous ont appris les mois d’enseignement à distance lors des périodes de confinement ?
Comme de nombreuses grandes écoles, nous avions engagé une stratégie d’évolution de notre pédagogie en intégrant davantage de numérique dans nos enseignements. Mais le numérique à marche forcée n’était pas ce que nos étudiants attendaient. Nous en avons tiré deux enseignements. Premièrement, la relation pédagogique est primordiale et nous perdrons une partie de nos étudiants si nous misons sur le tout numérique. La dématérialisation complète des campus n’est pas une bonne solution.
Deuxièmement, nous pensions avoir affaire à des étudiants ultra-connectés et maîtrisant parfaitement l’informatique. Or, ce fut la douche froide : ils savent scroller sur TikTok et poster des vidéos sur Snapchat mais travailler chez eux, ils ne savent pas faire.
Comment les enseignants se sont-ils adaptés ?
L’école les a accompagnés car il y avait une réelle demande de montée en compétences de leur part sur le numérique. Mais il a fallu effectuer un travail de fond sur la conduite du changement. Après la période tout en visioconférence, qui fut traumatisante pour certains, on assiste à un rejet de toutes parts. Désormais, nos étudiants sont en présentiels. Les enseignants, comme les étudiants, capitalisent cependant sur les compétences acquises en numérique qui reste un formidable outil supplémentaire au service de la pédagogie. Il permet de développer des formations diplômantes à distance pour des salariés, par exemple.
Les étudiants attendent des relations plus exigeantes, autour d’une pédagogie active, pour articuler les concepts
Comment évoluent les relations enseignants étudiants ?
Traditionnellement, la pédagogie à l’université se résume à une relation descendante : un expert, l’enseignant-chercheur, délivre les concepts, de façon très académique, à des étudiants qui écoutent et ingèrent. Aujourd’hui, les étudiants attendent des relations plus exigeantes, autour d’une pédagogie active, pour articuler les concepts. Cela se traduit dans la nature même des cours dispensés. La part des cours purement académiques est réduite au strict nécessaire, au profit de travaux dirigés, de mises en situation, de business games où les étudiants sont invités à être actifs. Ces fonctionnements constituent les piliers de la pédagogie moderne. Ce cercle vertueux permet aux enseignants et à leurs étudiants d’aller plus loin en termes de compétences.
Les étudiants nous poussent dans nos retranchements pour mettre les concepts à l’épreuve
L’alternance et le contact avec le monde professionnel sont de plus en plus prisés par les étudiants. Cela change-t-il leurs attentes en matière de formation ?
Oui, car ils sont plus matures et veulent mettre davantage de sens dans leurs activités. Leurs attentes sont moins académiques et plus pragmatiques. Ils souhaitent un enseignement hybride et de la souplesse. Ils entendent développer leurs soft skills.
Ces nouveaux comportements les font se tourner davantage vers des domaines comme le management responsable et inclusif, la finance durable ou encore l’écoconception. Ces appétences sont notamment induites par la pratique de l’alternance. Ainsi, les étudiants nous poussent dans nos retranchements pour mettre les concepts à l’épreuve.