En Matheysine, l'accès au logement et l'emploi sont les problématiques de ces prochaines années.
Michel Dayat
En ce début d'année, nous vous proposons une série d'interviews de décideurs économiques de la région sur leurs espoirs et visions pour 2024. Aujourd'hui, zoom sur un petit territoire rural de l’Isère, la Matheysine, dont la communauté de communes est présidée depuis juillet 2021 par Coraline Saurat. Le choix de soutenir les emplois industriels après la fin de l’exploitation des mines de charbon a fait de ce territoire une véritable curiosité. Si proche et si loin du grand bassin économique grenoblois, terra incognita pour Réseau Ferré de France, sans PLUH ni Scot, la Matheysine vient d’engager son premier véritable projet de territoire. Pour Coraline Saurat, pas de doute, le problème à régler pour les années à venir n’est pas tant l’emploi que l'accès au logement.
Bref Eco : Quel est le premier défi d’aménagement pour la Matheysine ?
Coraline Saurat : Nous sommes engagés dans un projet de territoire et l’enjeu principal qui arrive, c’est le logement. C’est criant ! Notre offre n’est plus adaptée à notre sociologie dominée par les personnes seules et les personnes seules avec enfant(s). Nous avons beaucoup de maisons individuelles confrontées d’ailleurs aux nouvelles normes thermiques et peu de petits collectifs. Nous sommes près de 20 000 habitants mais sans logements adaptés, on ne peut attirer et nous ne pouvons nous développer outre mesure.
Ce qui veut dire qu’il y a un déficit de l’action publique et de projets d’urbanisme ?
C.S. : Il y a des projets à l’échelle communale et donc pas intercommunale. Ces projets ne correspondent pas à nos besoins et à la nécessité d’une harmonisation des initiatives. Lors de la constitution de notre communauté de communes, la compétence logements et urbanisme n’a pas été prise ! D’ailleurs nous n’avons pas de plan local d’urbanisme intercommunal et d’habitat. À l’origine de l’intercommunalité, l’enjeu initial identifié par la population a été l’emploi. Le projet de territoire pour les années à venir a fait prendre conscience aux élus plus qu’aux habitants que le savaient déjà, que le premier défi était l’aménagement du territoire et donc le logement car l’emploi nous l’avons déjà.
Qu’entendez-vous par le fait que vous avez déjà l’emploi ?
C.S. : Nous avions une mono industrie minière jusqu’à la fin de l’exploitation en mars 1997. Les élus ont fait le choix de la reconversion industrielle au travers du syndicat de l’industrialisation de la Matheysine. Sa plus grande action a été d’acheter une friche industrielle pour avoir du foncier immobilier. Cela a fonctionné. Ce site de 30 000 m² est plein. Nous sommes le seul territoire de montagne en Isère avec 176 exploitations agricoles à majorité dans l’élevage, à avoir cette vocation industrielle. Nous avons des entreprises qui ont besoin de recruter à l’exemple de Rosi Solar (recyclage de panneaux solaires), d’OSE (cartes électroniques), de Mersens (refroidisseurs pour composants électroniques), d’Inovalp (poêles à bois), de Donati (mobilier d’intérieur) ou encore de DATE qui cherche à s’agrandir ici.
Se loger, travailler, mais qu’en est-il du sujet de la mobilité ?
C.S. : La mobilité, bien que nous n’ayons pas cette compétence, nous devons nous en emparer car nous sommes très dépendants de la voiture. Nous sommes en effet un territoire très rural. Même si je pense que le transport collectif en bus — nous n’avons pas de train — est difficile à organiser chez nous. Avec la Région nous avons peu d’échanges très concrets. C’est un sujet en déshérence. Vous savez, dans une intercommunalité constituée dans la douleur avec 43 communes, il n’est pas simple d’emporter tout le monde. Mais nous franchissons des étapes de manière quotidienne.
Le projet de territoire : « Ne plus être dans la réaction »
Démarche politique inédite en Matheysine, ce projet de territoire doit structurer l’aménagement et organiser la vie publique pour les décennies prochaines. Le plan d’actions devrait être validé dans le courant 2024. Mené par l’Agence d’urbanisme de la région grenobloise et le cabinet New Deal, il a posé cinq enjeux :
Recouvrer une dynamique démographique et une attractivité résidentielle
Recouvrer une dynamique économique et une capacité à créer des emplois
Maintenir l’équilibre social et générationnel
Mettre en œuvre un modèle d’aménagement plus respectueux de l’environnement et des ressources du territoire
Organiser l’action publique au service du Projet de Territoire.
Cet article est issu de notre hebdo n°2564, à retrouver ici.