Audrey Bergenthal : "Notre innovation technologique est unique au monde : nos matériaux vont jusqu’à reproduire l’élasticité de la peau".
DR Euveka
A l'occasion de la 20e édition des Trophées Bref Eco de l'Innovation qui se déroulera le 1er décembre prochain, nous vous proposons de (re)découvrir vingt lauréats emblématiques récompensés ces deux dernières décennies.
En 2015, Audrey Bergenthal faisait sensation en présentant son mannequin robotisé au jury des trophées de l’innovation Bref Eco. Dix ans d’efforts plus tard, sa start-up Euveka a dû traverser l’Atlantique pour prendre une autre dimension dans le monde de la mode.
Un robot-mannequin rempli d’électronique, à mensurations variables, capable de reproduire instantanément n’importe quelle morphologie grâce à une solution de modélisation 3D : l’innovation d’Euveka, destinée aux créateurs de vêtements, constitue une avancée majeure. Finis les allers-retours à répétition des prototypes et les erreurs de taille : le modèle est optimisé dès la première itération, le cycle de production s’accélère, les coûts logistiques et de transport et le gaspillage des tissus sont réduits au minimum, de même que les invendus. Sans compter qu’un vêtement sur mesure peut être fait sans la présence physique du modèle. Enfin, la numérisation du travail permet l’accumulation de datas propices à l’analyse du comportement des consommateurs. Bref, « ce robot est au mannequin en bois ce que l’ordinateur a été à la machine à écrire », affirme Audrey Bergenthal, dirigeante-fondatrice d’Euveka.
Des hauts et des bas
Une récompense au CES de Las Vegas, les premières commandes qui arrivent vite, des levées de fonds (une dizaine de millions d’euros), la construction de locaux à Rovaltain… ne sont pas parvenues à effacer les problèmes récurrents de trésorerie, générés par de lourds investissements en R & D et des recrutements massifs (les effectifs d’Euveka, aujourd’hui neuf salariés, sont montés jusqu’à 50 ! ). Certes, la pépite drômoise de la fashiontech avait séduit de grands noms du sport, du prêt-à-porter et de la haute couture : Etam, Nike, Adidas, La Fée Maraboutée, Sandro, Mugler, Ralph Lauren, sans oublier Chanel, un partenaire historique. Mais en 2020, elle fut à deux doigts du dépôt de bilan.
Il faut reconnaître que les Américains ont une capacité d’accélération sans commune mesure
Audrey-Laure Bergenthal reste convaincue de la puissance de son innovation, limitée jusqu’à présent par un manque de capitaux, comme tant de start-up françaises. Elle a donc décidé d’associer à l’aventure un nouvel investisseur américain « de premier plan » (dont elle préfère taire l’identité).
« Depuis le début, nous avons une dimension internationale. Malgré notre petite taille, nous avons affaire à des leaders mondiaux de la mode. Dans ce contexte, ces nouveaux partenaires financiers, des professionnels experts en retail et en financement, nous apportent un nouvel état d’esprit, un soutien à l’audace, à la remise en question, au droit de se tromper. En outre, il faut reconnaître que les Américains ont une capacité d’accélération sans commune mesure ».
Cette levée de capitaux étrangers n’a pas contraint Euveka, soit dit en passant, à délocaliser ses activités. « Ce qui nous guide, c’est la capacité de notre petite entreprise française à transformer l’industrie textile mondiale, avec un produit rentable qui peut passer à l’échelle. Notre innovation technologique est unique au monde : nos matériaux vont jusqu’à reproduire l’élasticité de la peau ». Une technologie d’une fiabilité remarquable (pratiquement zéro panne, aucun retour produit) qui aurait, dit-on, ébloui des ingénieurs de la Nasa.
Perspectives commerciales... et industrielles
Audrey Bergenthal annonce aujourd’hui d’excellentes perspectives commerciales. « Nous travaillons avec quelques uns des plus grands noms de la mode qui ont pris des engagements. Nous devrions vendre cette année une centaine de nos robots. Il faut savoir qu’ils assurent à nos clients un temps de retour sur investissement de trois mois ». Bref, le vaisseau Euveka semble, cette fois, pouvoir décoller à la verticale. L’industrie française pourrait s’en réjouir : des négociations sont en cours pour la fabrication des robots d’Euveka en Auvergne Rhône-Alpes.