Imaginez des routes couvertes de panneaux solaires aussi résistants et adhérents que n’importe quel revêtement bitumineux ! Signée Colas, filiale de Bouygues et leader mondial des travaux routiers, Wattway est une innovation de rupture qui pourrait jouer un rôle considérable pour l’avenir énergétique de la planète.
Comme d’autres légendes industrielles, l’histoire de Wattway commence dans un garage, il y a dix ans. S’interrogeant sur les usages futurs des routes, Jean-Luc Gautier a une intuition fulgurante : “La route passe 90 % de son temps à regarder le ciel et, quand le soleil brille, elle est exposée à son rayonnement. C’est une surface idéale pour développer des applications énergétiques”. Premiers calculs et premiers tests en solitaire avant de proposer cet axe de recherche aux équipes du campus scientifique et technique de Colas qu’il dirige. Avec des questions presque rédhibitoires : comment faire circuler des voitures sur des cellules photovoltaïques ? Comment sécuriser les véhicules sur une surface de verre très lisse ? Proposé dans un second temps à l’Ines (Institut National de l’Energie Solaire ; Savoie Technolac), le sujet fait sourire. “Faire circuler des poids lourds sur des capteurs solaires ? C’est un peu comme demander à une biscotte de résister au passage d’un dix tonnes”, rétorque alors Franck Barruel, chef de laboratoire. Mais il va vite changer d’avis.
Une équipe mixte Ines/Colas se met au travail en 2011. Après une première tentative ajournée pour cause de crise du photovoltaïque, elle repart à zéro deux ans plus tard. Et en 2015, les résultats sont là. Les cellules de silicium polycristallin, encapsulées dans un substrat de résine et de polymères (pas de verre), forment des dalles solaires anti-dérapantes simplement collées sur la chaussée. Ce sandwich étanche, épais de quelques millimètres, supporte la circulation des poids lourds et s’adapte aux dilatations thermiques des routes, pistes cyclables, parkings des grandes surfaces ou encore du tarmac des aéroports. Les usages possibles de Wattway sont nombreux : alimentation des feux et panneaux de signalisation, des magasins voire des habitations longeant les rues, éclairage public (1 000 mètres de chaussée équipée permettraient d’éclairer une ville de 5 000 habitants, selon l’Ademe), bornes de recharge des véhicules électriques…
Reste maintenant à valider le produit en environnement réel. A la COP 21, de nombreux contacts ont été pris avec des collectivités pour mettre en place des sites pilotes : plusieurs dizaines sont prévus en 2016. Aux questions de stockage d’électricité ou de couplage au réseau, il faudra aussi ajouter celle du modèle économique : coût de l’équipement, rendement des cellules (légèrement inférieur à des panneaux solaires classiques), etc.
L’avance technologique de Colas (deux brevets déposés) semble confortable face aux deux seuls concurrents potentiels (un Hollandais et un Américain). Sûr de son produit, le groupe devrait passer au stade industriel dès 2017. Avec un autre objectif clairement affiché : une production 100 % française.
Didier Durand
@didierldurand
Photo : ©Colas - Joachim Bertrand
Bref Rhône-Alpes n° 2226 du 09/12/2015
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