En novembre 2018, les dirigeants anglais de Luxfer ont décidé de fermer l’usine.
Véronique Feuerstein
Fermée depuis novembre, l’usine Luxfer de Gerzat, spécialisée dans la production de bouteilles d’oxygène, pourrait tenir un rôle majeur pour soigner les malades en réanimation.
Victimes d’un licenciement économique en juin 2019 et 6 février 2020 (pour les dix derniers salariés protégés), les 136 salariés de la société Luxfer basée à Gerzat, regardent abasourdis la crise sanitaire qui se joue en France.
C’est en découvrant des reportages sur la pandémie de coronavirus en Italie et en Chine que les ex-salariés de Luxfer ont décidé de saisir le taureau par les cornes.
L’activité principale de Luxfer était de fabriquer des bouteilles d’oxygène à destination des hôpitaux et des pompiers : « En découvrant les risques de pénurie en France et dans le monde, nous avons décidé de joindre le ministère de l’Economie et des Finances qui n’a pas su nous dire quel est le stock de bouteilles en France et si le pays risquait de connaître une pénurie » explique Axel Peronczyk, délégué CGT du site. Les salariés de Luxfer ont alors décidé de devenir des lanceurs d’alerte. « Nous aurions pu être utiles pour les deux plus grosses catastrophes planétaires des douze derniers mois : les incendies en Australie et la pandémie actuelle », souligne le délégué CGT qui a lancé une pétition en ligne sur Change.org.
Un paradoxe qui rend amers les ex-salariés. « Les malades du coronavirus sont branchés directement sur le réseau de l’hôpital mais dès qu’ils sont déplacés d’un lit à un autre ils ont besoin d’une bouteille d’oxygène. C’est aussi le cas sous les tentes militaires. Demain, ces malades souffriront peut-être de séquelles pulmonaires. Ils feront de l’oxygénothérapie. C’est aussi nous qui fabriquons ces bouteilles », ajoute Axel Peronczyk.
Il ne faut plus tout miser sur la Chine, c’est une catastrophe !
Aujourd’hui, les bouteilles d’oxygène sont fabriquées en Grande-Bretagne, en Turquie, en Chine ou aux Etats-Unis alors qu’elles pourraient être produites, au cœur de l’Auvergne. De quoi rendre en colère, les salariés de Luxfer qui ont déjà été victimes du groupe anglais qui les employait, alors que la société était bénéficiaire et avait des carnets de commandes pleins. Ils en appellent au président français : « Il ne faut plus tout miser sur la Chine, c’est une catastrophe ! Il faut que l’Etat français prenne la mesure et qu’il nationalise notre usine comme c’était le cas de 1988 à 1995 quand notre société appartenait à Péchiney », martèle Axel Peronczyk.
Ils viennent d'avoir le soutien d'Olivier Bianchi, président de Clermont Auvergne Métropole, de Christine Pirès Beaune, députée du Puy-de-Dôme et de Jean Albisetti, maire de Gerzat. Les salariés sont prêts à se relever les manches mais il faut faire vite car il faudra entre 6 à 7 semaines pour produire la première bouteille d’oxygène. Quand le site tournait, Luxfer produisait 950 bouteilles d’oxygène par jour, pour l’Europe, l’Afrique, l’Asie de l’Est, l’Australie et la Russie.