Florent Menegaux (Michelin) : "Le Groupe consacre 1 milliard de son budget annuel à la R & D ! Il y a encore énormément à faire dans les années à venir. Il n’y a pas de limite à la science et l’innovation."
Michelin veut rouler plus vert. Le manufacturier clermontois relève le défi d’un pneu 100 % durable d’ici 2050. De la conception à la fabrication, jusqu’à la fin de vie, toutes les étapes sont concernées. Comment le leader mondial du pneumatique compte-t-il s’y prendre ? Rencontre avec le président du groupe Michelin, Florent Menegaux.
Bref Eco : Comment espérez-vous atteindre cet objectif d’un pneu totalement durable d’ici à 2050 ?
Florent Menegaux : Si nous mettons la science au service de la résolution de ce problème-là, nous parviendrons à trouver des solutions. Nous avons déjà fait des transformations énormes dans notre industrie pour avoir des pneus qui consomment moins d’énergie, plus performants, qui freinent mieux et plus sûrs. Aujourd’hui, 28 % de nos pneus sont conçus avec des matériaux durables. En 2030, ce sera 40 % pour arriver à 100 % en 2050. C’est un objectif réaliste.
© MICHELIN 2021 - Jerome CAMBIER
Vous n’y arriverez pas seuls. Vous êtes aussi obligés d’aller chercher des solutions en open innovation, ce qui est nouveau dans l’histoire du Groupe ?
Florent Menegaux : Si nous travaillons seuls nous irons plus lentement. Nous allons donc chercher les meilleures technologies qui existent sur le marché et nous allons nous associer avec elles. Des partenariats ont déjà été conclus avec des entreprises comme Carbios, Pyrowave, ou encore Biobutterfly, qui utilisent des technologies nouvelles de recyclage. N’oublions pas non plus que le Groupe consacre 1 milliard de son budget annuel à la R & D ! Il y a encore énormément à faire dans les années à venir. Il n’y a pas de limite à la science et l’innovation.
Soit on s’assied et on pleure, soit on essaie de faire quelque chose. Je m’inscris dans ce camp-là.
Votre discours se veut résolument optimiste, malgré les conclusions du GIEC et l’échec de la COP 26…
Florent Menegaux : Soit on s’assied et on pleure, soit on essaie de faire quelque chose. Je m’inscris dans ce camp-là. Des problèmes, il y en a toujours eu. Mais globalement le monde progresse et les problèmes d’aujourd’hui seront résolus demain. Tous les défis humains seront relevés par les humains.
Pensez-vous que l’épidémie de Covid, dont on ne connaît toujours pas l’issue, peut vous empêcher d’atteindre l’objectif de 2050 ?
Florent Menegaux : Ce sont des événements difficiles à prévoir. En décembre 2019, nous avions fait une simulation d’attaque massive informatique à l’échelle du groupe. Mais nous n’avions pas prévu le virus… Des crises, nous en aurons encore beaucoup et probablement encore plus car le monde est de plus en plus interconnecté et interdépendant. Les questions virales vont devenir de plus en plus fréquentes. Nous l’avons intégré. On s’adapte en permanence.
L’idée que la décroissance est le seul chemin possible est une mauvaise idée car elle fait fi du développement démographique.
Le parc automobile mondial va doubler dans les vingt ans à venir, porté notamment par la croissance des marchés asiatiques. N’est-ce pas un peu contradictoire d’afficher ses ambitions environnementales tout en voulant produire et vendre toujours plus de pneus ?
Florent Menegaux : La croissance est une bonne chose. Elle permet de dégager des ressources pour continuer à investir dans les solutions dont on vient de parler. Maintenant, si tout le monde était équipé de pneus Michelin, la planète économiserait des centaines de millions de pneus ! Donc il est parfaitement compatible de réconcilier croissance et diminution de l’impact environnemental. L’idée que la décroissance est le seul chemin possible est une mauvaise idée car elle fait fi du développement démographique. La population grandit dans le monde.
Les générations futures ont autant le droit que nous d’avoir accès au travail, au développement, aux loisirs, aux voyages, à la voiture… La décroissance c’est proposer moins pour les autres. Je ne suis pas d’accord. Par contre, il faut éviter le gaspillage. La croissance, c’est sain. Le gaspillage, c’est idiot !
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Vous devez faire face à une concurrence féroce en Chine. Mais le pays ne respecte pas vraiment les normes environnementales occidentales. Combien de temps cela pourra encore durer ?
Florent Menegaux : Il y a trente ans, il n’y avait quasiment pas de manufacturier en Chine. Aujourd’hui, il en existe au moins 200. Que ce soit en Chine, en Europe ou ailleurs, il est important que tout le monde respecte les mêmes règles du jeu équitables et stables. Donc le tout durable, on le fait car on sait que la société de demain n’acceptera plus d’acheter des produits qui ne sont pas durables. Même en Chine ! Aujourd’hui il y a des manifestations contre la pollution dans le pays. La prise de conscience est générale.