De g. à d. : Frédéric Prochazka, Alexis Von Tschammer, Catherine Seguin (Préfète de la Loire) et Laurent Schneider Maunoury, président du conseil d'administration de Lactips.
© Cécile Stollini/Lactips
C’est une nouvelle équipe de direction qui s’apprête à faire prendre un virage industriel à Lactips, start-up stéphanoise qui a conçu un « plastique sans plastique ». Biosourcé et biodégradable, ce polymère fabriqué à partir de caséine de lait se présente sous la forme de granulés et, à l’instar des plastiques d’origine fossile, est transformable en films ou en pièces injectées. Il est désormais fabriqué à Saint-Paul-en-Jarez.
Lactips vient de présenter officiellement sa nouvelle usine à Saint-Paul-en-Jarez. Aménagée dans un ancien site industriel totalement rénové, elle abrite désormais son siège, sa R & D ainsi qu’une première unité de production d’une capacité de 1.500 tonnes par an. L’objectif affiché est d’intégrer cinq autres machines afin de produire annuellement 10.000 tonnes de granulés à horizon de cinq ans. Sur les hauteurs de la Vallée du Gier, le nouveau site, qui s’étend sur près de 4.000 m2 couverts, emploie 60 personnes.
Nouvelle gouvernance
L’entreprise entame donc son virage industriel. Créée en 2014 à partir d’une recherche menée dans un laboratoire de l’Université de Saint-Etienne, elle a, depuis, réalisé plusieurs levées de fonds pour un total de près de 20 millions d’euros, la dernière en date étant la plus importante, avec 13 millions en 2020. Ces opérations successives ont modifié la gouvernance de l’entreprise qui accueille aujourd’hui à son capital de grandes signatures comme bpifrance (via son fonds SPI, à 25 %) et Demeter (25 %), ainsi que d’autres investisseurs parmi lesquels les chimistes BASF et Mitsubishi (25 %). Les deux fondateurs, Marie-Hélène Gramatikoff et Frédéric Prochazka, conservent les 25 % restants : la première vient de céder son poste de direction opérationnelle, le second, par ailleurs enseignant-chercheur à l’Université de Saint-Etienne et à l’origine des sept brevets internationaux déposés par Lactips, en reste le directeur scientifique.
Alexis Von Tschammer a été nommé cet été directeur général et Bertrand Dupeyroux directeur commercial et marketing. Les deux hommes ont fait leurs armes dans de grands groupes et à l’international, en particulier dans la plasturgie. Alexis von Tschammer était ainsi depuis cinq ans directeur de business unit chez Mitsubishi Chemicals, après des postes chez Dow Corning, Multibase et en tant que directeur général de la société Estour.
Changement d’échelle
Les premières années de Lactips ont été consacrées à convaincre partenaires et clients potentiels de l’intérêt de l’innovation de rupture que constituent ses granulés CareTips©. A ce jour, les ventes de la société (819.000 euros de chiffre d’affaires déclarés en 2019) sont peu significatives. Mais les perspectives sont énormes : l’alternative proposée par la société ligérienne constitue une réponse très sérieuse aux plastiques et microplastiques qui finissent leur vie dans les océans, les terres agricoles et la nature en général. Issus de la production laitière (fabriqué à partir de caséine), biodégradables et hydrosolubles, les granulés peuvent aujourd’hui être fabriqués à l’échelle industrielle, après des années de mise au point.
Les trois principaux marchés visés sont l’enduction des papiers d’emballage et des étiquettes (qui facilitera leur recyclage), les films de détergents (ceux qui entourent les pastilles de lessive, par ex.) et certains produits réalisés en plastique injecté et terminant leur vie dans le sol (attaches de vignes, tees de golf, etc.). Le directeur commercial de Lactips, Bertrand Dupeyroux, fait état de contacts commerciaux très sérieux dans l’agroalimentaire, la chimie ou encore la cosmétique.
Quelques limites sont cependant à souligner. C’est le cas de l’hydrosolubilité des granulés CareTips© : cette qualité essentielle, qui permet aux produits de se décomposer au contact de l’humidité sans aucune toxicité sur l’environnement ou la santé, les empêche donc d’être utilisés comme contenant d’un liquide, contrairement aux plastiques issus du pétrole. C’est aussi le cas de son prix de vente, encore élevé… mais qui devrait diminuer au fur et à mesure de l’augmentation de la demande.