Florence Agostino-Etchetto est directrice générale de Lyonbiopôle, le pôle de compétitivité de l’écosystème d’innovation santé.
Anis Ourabah
En ce début d'année, nous vous proposons une série d'interviews de décideurs économiques de la région sur leurs espoirs et visions pour 2024. Aujourd'hui, rendez-vous avec Florence Agostino-Etchetto, directrice générale de Lyonbiopôle. Ce pôle de compétitivité de l’écosystème d’innovation santé en Auvergne Rhône-Alpes (basé à Lyon Gerland) fédère et anime un réseau de 270 acteurs : entreprises, entités académiques et hospitalières. Florence Agostino-Etchetto revient sur une année de tarissement des financements pour les start-up de la santé et espère ne pas connaître un durcissement de la crise des investissements.
Bref Eco : Sur les trois premiers trimestres 2023 (pas de données plus récentes au jour où nous écrivons ces lignes), les montants levés dans la tech avaient reculé de 41 % en France et de 36 % en Europe. Ce reflux des financements se retrouve-t-il dans la santé et notamment pour les start-up membres de Lyonbiopôle ?
Florence Agostino-Etchetto : La santé n’est pas épargnée par cette tendance générale et les acteurs de Lyonbiopôle non plus puisque les investisseurs ne sont pas spécifiquement locaux mais plutôt français ou même européens. Nous avons recensé moins de levées de fonds et des montants réduits mais la comparaison des chiffres bruts d’une année à l’autre est faussée car nous avons connu deux très grosses levées de fonds au début de l’année 2023 : 130 millions d’euros pour Amolyt Pharma et 37,5 millions d’euros pour Carthera, ce qui montre toute de même au passage que notre écosystème demeure attractif.
En 2023, 13 de nos membres ont levé 233 millions d’euros
Au final, en 2023, 13 de nos membres ont levé 233 millions d’euros tandis qu’en 2022, 22 membres ont levé 218 millions d’euros. Si on enlève les deux levées de fonds majeures, on tombe à 65,5 millions d’euros en 2023. Nous avions déjà ressenti fin 2022 le début de cette raréfaction des financements. Nous avions également remarqué une augmentation des durées d’instruction chez les fonds et des difficultés pour qu’un fonds prenne le lead sur une opération.
Quelle est la raison de ce tarissement des financements ?
F. A.-E. : Les fonds ont eux-mêmes du mal à lever de l’argent en Europe. Avec la remontée des taux d’intérêt, les investisseurs se sont dirigés vers des placements plus standards et plus sécurisés. Ainsi, dans un écosystème innovant et sans chiffre d’affaires comme le nôtre, le ralentissement est-il assez net.
À Lyonbiopôle, plus de vingt sociétés ont déposé le bilan en 2023 sur 230 entreprises adhérentes. C’est inédit !
Avec des conséquences directes sur les jeunes pousses en quête de fonds…
F. A.-E. : En effet. À Lyonbiopôle, plus de vingt sociétés ont déposé le bilan en 2023 sur 230 entreprises adhérentes. C’est inédit. Et cela engendre un autre phénomène : cela ralentit aussi l’émergence de nouvelles structures.
Ce n’est pas la première crise des levées de fonds…
F. A.-E. : On a déjà connu cela en effet, il y a dix ans, avec l’éclatement de la bulle des biotechs lié à des valorisations extravagantes. Cette fois-ci, les causes sont externes et conjoncturelles.
Même si le ralentissement est général, la santé est tout de même un domaine très risqué avec des retours sur investissement extrêmement longs. C’est sans doute un frein supplémentaire…
F. A.-E. : Dans la santé, on a toujours eu des investisseurs surspécialisés car il y a effectivement beaucoup de risques. Avec une nouvelle molécule, il peut y avoir un échec à chaque phase. Mais s’il y a beaucoup d’échecs, il y a aussi beaucoup d’enjeux et les fonds sont aguerris à ces conditions…
À quoi peut-on s’attendre en 2024 ?
F. A.-E. : Cela ne va sans doute pas empirer mais la trajectoire ne devrait pas non plus s’infléchir. Il y aura encore un risque de voir d’autres dépôts de bilan et d’autres reports de projets. Cela va rester assez tendu. Et il faut espérer que cela ne déborde pas sur les financements non dilutifs. Cependant, les économistes semblent dire que l’on a atteint à un plateau donc que l’on ne peut que rebondir…
Que faire en attendant ?
F. A.-E. : De note côté, nous continuons à proposer des dispositifs pour préparer les porteurs de projets. Des préparations aux pitchs par exemple pour être efficaces devant les investisseurs. Moins il y en a, meilleur il faut être ! La Région lance aussi un fonds de démarrage pour créer des conditions favorables. Et il y a toujours les fonds de Bpifrance.
Cet article est issu de notre hebdo n°2564, à retrouver ici.