Cyril Capel : " La vraie difficulté de l'entretien à distance, c’est la prise de notes pour le recruteur."
La visioconférence a explosé avec le confinement et le télétravail. Mais dans le monde du recrutement, les entreprises ont beaucoup de mal à aller plus loin et à offrir une promesse d’embauche à distance. C’est en tout cas ce que constate Cyril Chapel, cogérant de CCLD, cabinet lyonnais spécialisé dans le recrutement des fonctions commerciales qui réalise quelque 1.500 recrutements annuels.
Bref Eco : Les entretiens d’embauche en visioconférence ne sont pas une nouveauté. Pour autant, le confinement a dû probablement changer la donne…
Cyril Capel : Chez CCLD, cela fait en effet longtemps que nous procédons à des entretiens en visio pour des questions d’éloignement et/ou de rapidité. Avant le confinement, cela représentait 40 % des entretiens. Au jour du confinement, nous avions 600 postes ouverts. Au début, les entreprises ont demandé de poursuivre les sélections et nous avons réalisé cent entretiens à distance. J’estime que nous allons pouvoir encore en réaliser cent autres. Mais il en reste 400 pour lesquels les entreprises ne souhaitent pas recruter sans rencontrer la personne. En effet, les entreprises ont tendance à refuser la promesse d’embauche par visio. Pourtant, il faudra bien finir par prendre une décision. D’autant que selon une enquête que nous avons réalisée, les candidats sont 87 % à accepter le recrutement à distance.
Bref Eco : Pourquoi les entreprises sont-elles frileuses ?
Cyril Capel : En réalité, elles n’ont pas de véritables arguments. Leur refus émane d’une appréciation subjective. Elles opposent principalement deux différences entre la rencontre physique et la rencontre à distance. C’est tout d’abord la poignée de main et le langage corporel. Ce sont davantage les managers que les responsables RH qui sont concernés. Nous militons pour plus d’objectivité car il peut y avoir une part de discrimination dans ce critère. Le deuxième critère relève aussi d’un biais cognitif. Il s’agit de l’odeur du candidat : parfum, transpiration, alcool, médicaments… d’autant plus exacerbée que les entretiens ont souvent lieu dans un box dédié.
Bref Eco : En dehors de ces arguments qui peuvent paraître surprenants, existe-t-il des difficultés à évaluer un candidat par visioconférence ?
Cyril Capel : Oui, la vraie difficulté, c’est la prise de notes pour le recruteur. Cela demande une concentration supérieure à celle nécessaire lors d’un entretien physique qui permet en outre de capter des éléments informels.
Bref Eco : Les entreprises qui refusent sont peut-être tout simplement en stand-by au regard de la crise…
Cyril Capel : On ne sait pas. Peut-être en effet qu’elles n’osent tout simplement pas nous le dire. Mais ce qui est sûr, c’est que le marché des fonctions commerciales est toujours tendu et ne pas se décider à donner une promesse d’embauche par vidéo, c’est prendre le risque qu’une autre entreprise le fasse…
Bref Eco : C’est un attentisme qui impacte aussi votre activité…
Cyril Capel : Effectivement, cela décale notre chiffre d’affaires. Ce dernier a reculé de 50 % en mars et de 60 % en avril.