Jérôme Rieux, directeur général d'Adequat Intérim : "Dès le mois d’avril, nous avons envoyé nos équipes vers de nouveaux clients ".
Le marché de l’intérim a chuté de 70 % avec le confinement, avant de se redresser progressivement. Jérôme Rieux, directeur général d'Adequat, nous explique comment lui et ses équipes ont vécu cette période de crise aiguë.
Bref Eco : Comment avez-vous vécu l’annonce du confinement ?
Jérôme Rieux : Nous avons compris en 48 h ce qu’était le chaos ! 70 % du business s’est effondré. Concrètement, nous sommes passés de 21.500 intérimaires/jour à 8.500… Et la déflagration a concerné l’ensemble du marché, soit que les entreprises fermaient, soit qu’elles se mettaient en télétravail, soit qu’elles avaient recours à l’activité partielle. Seules les activités de première nécessité ont continué.
Bref Eco : Quelles ont été vos premières mesures ?
Jérôme Rieux : Nous avons beaucoup communiqué pour rassurer sur la question des salaires. Les intérimaires en mission ont bénéficié du chômage partiel. Notre propre personnel a également été mis en activité partielle pour la moitié du temps : ils ont travaillé tous les jours à 50 % jusqu’au déconfinement le 11 mai. Et nous avons maintenu leurs salaires à 100 %. Grâce à la bonne santé de l’entreprise, nous n’avons pas fait appel à d’autres aides (PGE, report de charges) et avons payé nos fournisseurs. Nous avons demandé à nos clients de jouer le jeu également et de nous payer aussi. Ceux qui pouvaient le faire se sont exécutés tout de suite. Ceux qui ont sollicité un PGE nous ont payés ensuite. Ainsi, il n’y a pas eu d’effet domino.
Bref Eco : Comment avez-vous géré concrètement la période de confinement ?
Jérôme Rieux : Nous avons organisé le télétravail très rapidement. Sur un effectif de 1.000 personnes, 200 sont restées dans les agences et 800 ont télétravaillé : en moins d’une semaine, tout le monde était équipé et connecté. C’est une prouesse. Les commerciaux étaient déjà équipés d’ordinateurs portables. Pour les autres, nous avons utilisé notre stock, mobilisé le matériel des agences et acheté le complément. Cela a représenté un coût, certes, mais ce n’est rien par rapport à la résilience et à la performance de l’entreprise !
Bref Eco : Vous disiez avoir beaucoup communiqué…
Jérôme Rieux : Nous avons monté une cellule de crise constituée de sept personnes se réunissant trois fois par jour pour prendre les décisions et communiquer. Il y avait beaucoup de questions juridiques et organisationnelles et beaucoup de communication en effet. Nous avons créé une newsletter pour les intérimaires. Et en interne, nous avons produit une communication quotidienne à l’intention des managers qui transmettaient ensuite aux équipes. Nous avons bien maîtrisé notre communication et c’était très important pour que les gens ne se sentent pas isolés.
Nos concurrents n’étaient visiblement pas là
Bref Eco : Comment avez-vous organisé le rebond ?
Jérôme Rieux : Dès le mois d’avril, nous avons envoyé nos équipes vers de nouveaux clients dans l’agroalimentaire, la logistique, la distribution, avec l’industrie des masques et des gants… et nous avons effectivement trouvé de nouveaux clients, constatant par ailleurs que nos concurrents n’étaient visiblement pas là. Nous avons pu travailler sans contrats-cadres avec des entreprises qui n’avaient pas l’habitude de nous solliciter.
Bref Eco : Quelle est la situation maintenant ?
Jérôme Rieux : Au départ, nous suivions la chute du marché. Puis les courbes se sont décorrélées. Aujourd’hui, le marché affiche -30 % et chez Adequat, notre activité est inférieure de seulement 20 % à son niveau de juillet 2019. Le déficit se situe dans la sous-traitance aéronautique, la sous-traitance automobile et l’événementiel (les salons, le Grand Stade…). Au final, nous n’avons pas fermé d’agence et n’avons pas licencié. Nos équipes ont été exceptionnelles. Leur niveau d’engagement a été et est toujours remarquable. Cette crise nous a montré que la digitalisation était importante mais que sans la motivation des gens, rien ne pouvait exister. L’humain compte toujours ! Nous l’avions déjà vécu lors de la crise 2008-2010. Contrairement à certains concurrents qui ont fonctionné à l’économie et qui ont dépensé beaucoup d’énergie dans l’optimisation des aides, nous avons essayé de maintenir l’activité le plus possible et cela fonctionne.
Bref Eco : Vous surperformez le marché mais pourrez-vous maintenir vos effectifs avec -20 % d’activité ?
Jérôme Rieux : La situation s’améliore chaque semaine. Il y a une forme de reprise. Nous ne savons pas si elle est solide mais nous savons que nous pouvons tenir comme cela jusqu’à la fin de l’année. D’ici là, à nous de gagner des parts de marché. Nous visons un doublement en trois ans.