Franck Dumaitre, directeur de l’Ademe en région AURA.
Sylvie Cordenner
En ce début d'année, nous vous proposons une série d'interviews de décideurs économiques de la région sur leurs espoirs et visions pour 2024. C'est aujourd'hui le directeur régional de l’Ademe, Franck Dumaitre, qui répond à nos questions. Il se dit convaincu que les collectivités locales et les entreprises d’Auvergne Rhône-Alpes sont les acteurs essentiels de la transition environnementale qu'il faut aider à accélérer en 2024.
Bref Eco : À quels grands enjeux environnementaux devront faire face les entreprises en 2024 ?
Franck Dumaitre : Les températures grimpent et l’adaptation aux changements climatiques est devenue inéluctable. Trois enjeux majeurs sont à prendre en compte. L’année 2023, avec la guerre en Ukraine, a été particulièrement impactée sur les questions énergétiques. Les ressources naturelles pour fabriquer se raréfient, et plus particulièrement l’eau. Nous avons vu, cette année, des entreprises d’Auvergne Rhône-Alpes contraintes de stopper leurs activités à cause du manque d’eau. L’énergie, les ressources et l’eau sont les grands défis des prochains mois. La période post-Covid a réellement déclenché une prise de conscience dans les entreprises.
Comment doivent-elles aborder ces questions ?
F.D. : L’Ademe est une agence qui lutte contre les changements climatiques au sens large mais désormais il faut s’adapter. Nous sommes convaincus que la bonne échelle, pour engager ces transitions et cette nécessaire adaptation, est celle de la collectivité et de plus en plus de l’entreprise. Si les entreprises ne s’engagent pas dans la transition, nous ne gagnerons pas. C’est aussi un paradigme nouveau pour nous, Ademe, et nous avons appris à travailler avec les entreprises sur ce sujet. Celles qui abordent la question des transitions environnementales comme une opportunité bénéficient d’un avantage concurrentiel indéniable.
L’année 2024 est-elle l’année de l’accélération pour les entreprises ?
F.D. : Chaque année doit être une année d’accélération. L’État a fixé des objectifs avec des scénarios pour atteindre la neutralité carbone à horizon 2050. Si ce n’est pas déjà fait, il faut commencer maintenant et aller vite. L’objectif est atteignable si les collectivités prennent leur part et les entreprises la leur. Certes le levier réglementaire obligera mais la démarche volontaire et positive présente moins de risques que de subir.
Justement, quels sont les risques pour les entreprises qui ne s’engageraient pas dans cette voie ?
F.D. : Je relève deux risques principaux. Le premier est tout simplement qu’elles soient exclues des appels d’offres des collectivités ou des marchés de sous-traitance des grands groupes industriels. Les critères liés aux performances environnementales des entreprises font partie des choix dans les marchés publics et privés. Le second risque est de manquer de financements pour ces transitions. Les banques et l’État se montrent de plus en plus exigeants quant aux financements accordés et soutiennent les entreprises vertueuses.
Les entreprises d’Auvergne Rhône-Alpes sont-elles plus vertueuses que les autres entreprises françaises ?
F.D. : Toutes les filières et tous les secteurs d’activité sont représentés dans la région et nous les soutenons tous. Dans la première région industrielle de France, le focus porte sur la décarbonation avec cinq sites majeurs et vingt-cinq sites de PMI, soit les trente sites industriels qui émettent 60 % des pollutions industrielles. L’impact de leur accompagnement est donc très important. La collaboration a démarré en 2023, se poursuit en 2024 et jusqu’à ce que la mission soit remplie.
Concrètement comment l’Ademe accompagne-t-elle ces industriels et toutes les autres entreprises ?
F.D. : Dans le cadre de la mission de décarbonation de l’industrie, une task force dédiée suit les trente sites industriels pour un accompagnement technique, avec la mise en place d’un plan de décarbonation, et des financements associés pour des études, des investissements en machines, des adaptations de process… La feuille de route est partagée entre les industriels, les services de l’État, les CCI, la Région et son agence Auvergne Rhône-Alpes Entreprises.
Pour toutes les autres entreprises, et pour s’appuyer sur un maillage territorial, l’Ademe consolide ses partenariats avec la CCI de Région, la Chambre des métiers et de l’artisanat, la Chambre d’agriculture et la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire qui disposent des outils. Le site internet de l’Ademe répertorie les aides et les dispositifs que nous mettons à disposition des entreprises qui souhaitent engager ou accélérer leurs transitions environnementales en 2024.
Cet article est issu de notre hebdo n°2564, à retrouver ici.