Ex-sportif de haut niveau – il pilotait des motos de course –, Sylvain Bianchini est diplômé d’un master en marketing opérationnel. Il avait tout juste 23 ans quand il a créé sa première entreprise.
Sébastien Borda
Bâtie sur une dimension sociale, l’entreprise savoyarde WiiSmile accélère ses engagements sociétaux et environnementaux tout en connaissant une forte croissance. Les explications de Sylvain Bianchini, son fondateur et dirigeant.
Quelles sont les origines de la politique RSE au sein de WiiSmile ?
Sylvain Bianchini : Quand j’ai créé l’entreprise en 2001, mon objectif était de permettre aux petites entreprises d’améliorer le quotidien de leurs salariés en leur apportant des services similaires à ceux des groupes (l’entreprise s’appelait alors Novalto et sa marque CEpourTous, N.D.L.R.). De ce fait, l’aspect social de la RSE faisait naturellement partie du projet. Nous avons développé de multiples actions avant qu’elles ne s’inscrivent dans la réglementation ou l’air du temps. Je pense à la mise en place d’une mutuelle dès 2002, du covoiturage en 2005, d’une politique de développement durable en 2009, etc.
Comment la démarche a-t-elle évolué ?
S.B. : Elle est devenue plus précise dans les années 2015 et s’accélère depuis 2020 où nous avons lancé un fonds de dotation, permis à nos salariés de devenir actionnaires ou encore encouragé davantage la mobilité douce avec la mise à disposition d’un parc de vélos à assistance électrique. Dans toute l’histoire de WiiSmile, nous avons construit notre façon de penser au travers de dimensions rassemblées aujourd’hui sous le vocable RSE. Notre démarche est désormais pilotée par un comité chargé de définir les objectifs et les actions permettant de les atteindre mais aussi d’évaluer leur impact.
Quels sont justement ces impacts pour l’entreprise ? S.B. : Depuis notre création, le bon sens a toujours guidé nos décisions. Qu’on l’appelle RSE ou ESG (environnement, social, gouvernance), une démarche pensée pour soutenir un développement durable n’échappe pas à ce même impératif de bon sens. Elle nous conforte dans nos convictions, renforce le sentiment d’appartenance et la confiance dans notre projet, et nous donne envie de toujours faire plus et mieux sur nos trois axes de travail : le social, le sociétal et l’environnemental.
Quelles initiatives avez-vous prises récemment ?
S.B. : À la croisée du social et du sociétal, nous déployons depuis 2023 une démarche – « Impact » dans notre jargon – qui donne à tout salarié la possibilité de se libérer temporairement de ses missions quotidiennes pour se consacrer à un projet qui lui tient à cœur.
Les volontaires peuvent ainsi utiliser une partie de leur temps de travail hebdomadaire – 2 heures actuellement et jusqu’à 4 heures à terme – pour s’investir dans une association, faire du mécénat de compétences ou mener un projet interne, au profit de l’entreprise et de leurs collègues. Certains ont choisi de sensibiliser leurs collègues sur des sujets sociétaux, tels que la défense de la cause animale, l’inclusion des minorités ou encore le handicap. D’autres ont opté pour des travaux en faveur de l’amélioration de la vie collective – création d’un bureau des animations internes (BDAWII), réflexion sur l’ergonomie des bureaux, les conditions de travail, etc. Dans nos locaux, à Montmélian, nous avons la chance d’avoir suffisamment d’espace pour disposer d’une salle de sport et d’un rooftop équipé d’une cuisine. Chaque vendredi, une trentaine de collaborateurs viennent, à tour de rôle, déguster le repas préparé par des collègues.
En matière d’environnement, nous avons des réflexions sur l’écoconception digitale, les serveurs utilisés pour la gestion de nos données ou encore l’intelligence artificielle. Une charte d’encadrement est en cours de rédaction car le confort apporté aux collaborateurs ne doit pas nous faire perdre de vue les volumes de ressources et d’eau consommés par l’IA.
DES OUTILS SE METTENT EN PLACE POUR MESURER LA SATISFACTION DE BINÔMES MANAGER/MANAGÉ.
Explorez-vous d’autres voies ?
S.B. : L’humain et son écoute étant encore et toujours une priorité, des outils se mettent en place pour mesurer la satisfaction de binômes manager/managé. En termes de culture managériale, l’idée est de se nourrir de retours directs pour remédier aux éventuelles difficultés, en complément des rituels managériaux qui jalonnent cette relation fondamentale pour l’équilibre du collectif.
Sur le volet environnemental, nous étudions des outils pour optimiser les tournées commerciales et minimiser les déplacements. Les réunions mensuelles de notre force commerciale sont devenues bimensuelles et s’effectuent maintenant par visioconférence. Pour autant, la priorité reste nos clients. Quand un commercial se déplace pour apporter des solutions permettant aux salariés d’une petite entreprise de vivre mieux, on se dit que la ressource est dépensée dans le bon sens.
Pourquoi vous êtes-vous intéressé au sujet de « l’entreprise à mission » ?
S.B. : Au départ, nous nous sommes attachés avant tout à l’esprit de cette démarche, définie dans le cadre de la loi Pacte. À la sortie du Covid, dans un environnement anxiogène, nous avons effectivement tenu à faire travailler l’ensemble de nos collaborateurs pour exprimer la raison d’être que nous revendiquons désormais : « Aider les dirigeants de TPE/PME à prendre soin de leurs équipes, et favoriser leur engagement professionnel, leur épanouissement personnel et leur implication sociétale ». Nous avons également défini collectivement dix engagements qui constituent un point de repère pour tous. Ça a été une manière de rendre tangible et de poser des mots sur tout ce que nous entreprenions depuis plus de vingt ans ! Ce travail d’intelligence collective nous a permis d’expérimenter une vraie culture de la coopération et du foisonnement qu’elle occasionne.
Comment ces différents projets sont-ils gérés en interne ?
S.B. : Nous avons créé un poste dédié à la RSE, occupé par une salariée entrée chez nous à l’administration des ventes, qui s’est formée par la suite sur ces sujets qu’elle affectionne. Pour accompagner ce mode coopératif, nous avons également formé des collaborateurs à la facilitation. Au nombre de quatre, ils sont à la disposition des groupes de travail qui se montent et veillent à ce que chaque participant s’exprime et joue « son » rôle.
Même enjeu de dialogue dans les méthodes de codéveloppement que nous avons mises en place : toute personne se heurtant à une difficulté peut faire appel à des collègues qui vont mettre du temps de cerveau disponible pour structurer la problématique et explorer de nouvelles pistes. C’est extrêmement puissant, y compris sur des problématiques managériales. Un individu seul fait des listes, ce qui est fatigant et peu productif. À l’inverse, un apport collectif et structuré génère un sentiment de valorisation, bénéfique pour tous.
Début 2025, vous avez lancé le programme « expéditions ». De quoi s’agit-il ?
S.B. : Six groupes de travail sont chargés d’explorer des champs entrant dans la stratégie 2030 de WiiSmile. Ils rassemblent entre six et huit collaborateurs volontaires et étrangers au domaine concerné. Nous avons par exemple une expédition sur la communication interne, une autre sur la notoriété, une troisième sur l’évolution du monde du travail… Il n’y a aucun objectif spécifique associé aux différents projets si ce n’est de prendre du plaisir à réfléchir et construire ensemble. Mais nous savons que ces travaux vont probablement contribuer à faire évoluer le visage de l’entreprise.
Vous évoquiez l’actionnariat salarié. Dans quelles circonstances WiiSmile a-t-il ouvert son capital ?
S.B. : Quand Edenred est sorti de notre capital en 2019, nous avons saisi la possibilité d’en racheter les parts pour les proposer aux équipes. Depuis, quand un salarié quitte l’entreprise, nous avons la possibilité de racheter ses actions qui sont ensuite proposées aux nouveaux entrants. Cet actionnariat salarié, qui concerne quasiment tous les collaborateurs, permet un partage de la valeur, tel qu’on le propose par ailleurs à travers l’intéressement. C’est aussi une manière complémentaire de responsabiliser et d’associer les équipes au destin économique et humain de notre projet.
Quel lien faites-vous entre le développement de cette politique RSE et la croissance de WiiSmile ?
S.B. : Ces deux sujets sont intimement liés : la croissance des dernières années nous donne le confort suffisant pour investir des ressources en matière de RSE et, en retour, toute action de RSE guidée par le bon sens et en phase avec la mission de l’entreprise donne de la valeur – dont la valeur économique – au projet. À la sortie, ce cercle vertueux nous a fait gagner en confiance, individuellement et collectivement. L’absentéisme n’a par exemple jamais été aussi bas, faut-il y voir un lien de cause à effet ? Nous sommes loin d’être parfaits, et avons encore du chemin à faire mais je reste persuadé que WiiSmile doit sa force à ses salariés, qui s’appellent eux-mêmes des WiiSmiliennes et des WiiSmiliens.
Un fonds de dotation
Lancé en 2020, le fonds de dotation de WiiSmile accompagne des projets (associatifs pour la plupart) qui visent l’inclusion de publics (personnes en situation de handicap, enfants hospitalisés, habitants de quartiers sensibles, retour à l’emploi… etc.) pour lesquels un coup de pouce peut changer la vie. « La première année, nous en avons soutenu une poignée mais sommes montés à 35 en 2024 où le budget alloué s’est élevé à 100 000 euros. En quatre ans, ce sont au total plus d’une centaine de projets que nous avons soutenus. Nous avons de plus en plus de sollicitations et irons probablement au-delà en 2025. Ce fonds, qui est une vraie caisse de résonance de projets souvent identifiés par les TPE/PME clientes sur leur territoire, mobilise un poste à temps plein sans compter tous les salariés qui s’impliquent dans l’année », explique Sylvain Bianchini.
WiiSmile en bref
Président : Sylvain Bianchini
Siège social : Montmélian (Savoie)
CA récurrent : + de 35 M€
Ebitda : + de 30 % du CA
Effectif : 200 personnes
Capital : 70 % fonds d’investissements (Eurazeo et NextStage AM) et 30 % fondateurs et salariés.
Cet article est issu de notre hors-série « Les Champions de la RSE » tome 7, à retrouver ici.