On connaissait la Plastics Vallée d’Oyonnax, la Technic Vallée du décolletage, en Haute-Savoie. Rhône-Alpes peut désormais composer avec sa Vallée du Bijou. Encore une marque sortie tout droit d’une agence de communication rémunérée à prix d’or par une collectivité locale en mal de reconnaissance ? Vous n’y êtes pas. L’appellation (marque déposée) repose sur une histoire industrielle qui fait du pays du Cheylard (1) un cas d’école en matière de développement économique local. Ici, la ruralité a intégré depuis longtemps les usines. Un chiffre parle de lui-même : dans ce bassin longtemps très enclavé, les activités industrielles occupent encore près de 45 % de la main d’œuvre salariée contre 17,4 % en Rhône-Alpes.
Présent depuis le 18ème siècle dans ces Monts d’Ardèche, le textile a marqué jusqu’au paysage, avec ses bâtiments typiques dont certains (ou ce qu’il en reste) longent encore les cours d’eau. Et son fleuron, Chomarat, continue d’y porter le flambeau d’une aventure dynastique. Le groupe familial a su prendre à temps les virages technologiques (fibre de verre, de carbone, tissus enduits et autres fibres synthétiques, etc.) et s’ouvrir régulièrement de nouveaux marchés : automobile, ameublement, vêtements. Malgré sa mondialisation (présence à Paris, en Tunisie ou encore aux Etats-Unis), il continue de puiser créativité et savoir-faire dans ses racines locales : il emploie encore quelque 750 personnes dans cette région des Boutières.
Le travail des bijoux constitue la seconde force industrielle du bassin, laquelle se résume à deux noms, réunis depuis une douzaine d’années au sein du même groupe : Bijoux Altesse au Cheylard, et Bijoux GL à Saint Martin-de-Valamas, leaders français des bijoux plaqués or et argent (environ 1 600 salariés dont 600 en Ardèche et près de 700… en Thaïlande). Le groupe, qui expédie des millions de bijoux à travers le monde, travaille pour quelques unes des plus grandes marques de la mode et du luxe (accord de licence récemment signé avec Lacoste).
Fiers de leur industrie (2), proches de leurs industriels, les élus locaux entendent bien participer à la pérennisation du système économique local. D’où des combats politiques qui ont abouti, ces dernières années, à la création d’un lycée ou d’une Arche des Métiers. Le concept de Vallée du Bijou, et toutes les initiatives qui seront engagées sous sa bannière, doivent aussi y participer. Et déboucher bientôt sur la création, par la Communauté de communes (pdt : Jacques Chabal), d’une pépinière d’entreprises destinée à attirer des créateurs, des sous-traitants et des services liés. Une “Maison du Bijou” est également en gestation. Curiosité, l’aventure du Cheylard pourrait bien servir de laboratoire, à l’heure d’une mondialisation qui plonge souvent salariés et élus dans un désarroi teinté de fatalisme.
(1) 10 000 habitants dans le bassin, dont 6 800 pour la Communauté de communes et 3 500 pour la commune du Cheylard.
(2) Les autres fleurons locaux, comme Perrier (machines à embouteiller ; 160 pers.), Descours (fruits surgelés) ou les Eaux minérales d’Arcens, font régulièrement l’objet d’articles dans Bref Rhône-Alpes (voir nos archives).
Didier Durand
Bref Rhône-Alpes n° 2019 du 12/01/2011
Photo : ©Claude Fougeriol / C.C. du Pays de Cheylard