Lors de sa dernière séance plénière, le Conseil régional de Rhône-Alpes a adopté sa “Stratégie de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (SRESRI)” , un document de référence censé tracer les grandes lignes de la mandature (2011-2015) sur un sujet des plus importants : la diffusion des savoirs et de l’innovation dans la société et les entreprises.
Connaissance, progrès, démocratie, justice sociale, développement économique : personne ne conteste le rôle central joué par la formation supérieure et la recherche dans tous ces domaines. D’autant moins dans une région qui concentre 10 % des étudiants de l’Hexagone (soit 240 000 étudiants), 12 % des publications scientifiques françaises, 13 % des entreprises innovantes accompagnées par Oséo et 16 % des brevets déposés en France. Mais pour profiter d’un tel potentiel, encore faut-il que les relations entre le monde académique (universités, labos publics), l’économie (entreprises) et la société civile soient fluides et ouvertes. Ce qui n’est pas vraiment le cas.
Parmi les (trop) nombreuses priorités de la Stratégie régionale, figure en bonne place le soutien aux étudiants… dont la situation n’est pas brillante : un taux d’échec inquiétant (un tiers des étudiants inscrits en licence quitte l’université avant trois ans, dont une partie abandonne durablement le système éducatif) ; de vraies difficultés d’insertion professionnelle, spécialement pour les filières généralistes, humaines et sociales, et pour les doctorants ; des inégalités territoriales accentuées par les coûts élevés du logement (budget mensuel moyen d’un étudiant : 530 euros).
Le renforcement des antennes universitaires de Bourg-en-Bresse, Roanne et Valence, qui contribuent à un certain rééquilibrage des forces aujourd’hui très centrées sur Lyon et Grenoble, est l’une des réponses apportées par la SRESRI. Le rapport proposé à l’assemblée ouvrait ainsi les débats : “L’Opération Campus, puis le Grand Emprunt, ont conduit à renforcer la prépondérance des sites majeurs (…)”. L’attaque vise clairement l’Etat et ses appels à projets centrés sur l’excellence des Equipex et autres Labex dont l’un des effets est de stimuler la concurrence entre les labos et entre les territoires. “Les politiques d’Etat mènent à une polarisation territoriale qui ignore les besoins de développement universitaire et économique des territoires excentrés ; la Région refuse cette évolution et souhaite mettre en place une stratégie d’équité d’accès à l’offre d’enseignement supérieur et de recherche”.
Plus consensuel, le Ceser (Conseil économique, social et environnemental) recadre la controverse : “La stratégie la plus dynamique nous semble être celle qui vient renforcer l’excellence en veillant à ce qu’elle ait un rôle d’entraînement sur son environnement, tout en développant les pôles de proximité. La concurrence mondiale est aujourd’hui très forte et la recherche de l’excellence est indispensable pour rester compétitif. Néanmoins, les sites de proximité ont démontré leur utilité sociale et pédagogique” .
La question n’est pas qu’idéologique : jusqu’en 2015, la Région devrait consacrer 130 millions d’euros par an à l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation.
Didier Durand
Bref Rhône-Alpes n° 2027 du 09/03/2011
Photo : ©Eric Le Roux/Communication/UCBL