Un peu plus de trois ans après la signature d’une Charte qui officialisait la volonté des collectivités locales françaises et suisses de s’engager dans un développement concerté de Genève, les partenaires ont décidé de pousser plus loin leur collaboration. Le temps est venu d’un développement plus harmonieux de cette métropole située à cheval sur la frontière franco-helvétique. Et que la Région Rhône-Alpes considère aujourd’hui comme sa deuxième agglomération.
En dépit de la crise, l’emploi industriel continue d’augmenter sur le sol genevois (1). Riche de ses organismes internationaux pourvoyeurs de fonctionnaires cosmopolites et à hauts revenus, Genève brille toujours et encore. Elle continue d’attirer des investisseurs étrangers malgré le coût de sa main d’œuvre et son niveau de vie parmi les plus élevés au monde. Cependant, le développement de cette ville-monde n’en pose pas moins d’épineux problèmes locaux. En cause : l’exiguïté de son territoire qui l’a poussée à étendre son influence en France voisine. Dans le Pays de Gex (Ain) et en Haute-Savoie, qui abritent 66 000 frontaliers (ces Français qui travaillent à Genève), de nombreux clignotants sont au rouge. La demande de logements est considérable, renforcée depuis quelques années par la possibilité qu’ont les Suisses de venir élire domicile de ce côté-ci de la frontière. D’où une très forte pression foncière et un étalement urbain qui crève les yeux, des prix de l’immobilier parmi les plus élevés en France, des problèmes aigus de trafic automobile, de pollution, etc. Il est grand temps d’agir : d’ici 2030, la population devrait passer, selon les prévisionnistes, de 780 000 à un million d’habitants.
Pendant longtemps, de part et d’autre de la frontière, la politique locale fut celle d’une indifférence teintée d’égoïsme, un “chacun pour soi” qui profitait à tout le monde autour de la cité lémanique. Il semble que ce laxisme ait vécu. Depuis 2008, le “Comité de pilotage du projet d’agglomération franco-valdo-genevois” affiche des actions concrètes : projets d’aménagement du territoire, mise en place d’une cellule d’accueil transfrontalière des entreprises, suivi de la production de logements à l’échelle du bassin, réflexion sur les politiques foncières, stratégie pour le transport des marchandises à l’échelle de l’agglomération, création d’une communauté transfrontalière de l’eau, mise en place d’un projet agricole, etc. Dans les années qui viennent, les réalisations les plus spectaculaires concerneront les infrastructures de transport : en particulier le Ceva (un RER) et un tramway qui relieront le cœur de Genève à Annemasse pour le premier, à Saint-Genis-Pouilly pour le second.
Actée la semaine dernière à Archamps, la nouvelle phase de coopération sera centrée sur le rééquilibrage du territoire : en matière d’habitat (désormais, les nouveaux habitants devraient être répartis à 50 % sur la ville-centre et à 50 % sur la France et le district suisse de Nyon) comme en matière d’emploi (objectif de 30 % des emplois sur le territoire français). L’idée avance enfin d’une communauté d’intérêts dépassant la frontière.
Didier Durand
(1) “Genève Agglo 2030, un projet pour dépasser les frontières”, éd. Parenthèses, novembre 2010.
Bref Rhône-Alpes n° 2029 du 23/03/2011