D’ici la fin de l’année, l’Etat devrait se désengager de la Société des Aéroports de Lyon dont il détient 60 % des parts. Une privatisation partielle qui anime les débats dans la sphère politico-économique régionale. La semaine dernière, le Club des Entrepreneurs pour les Aéroports de Lyon (CEAL) est ainsi monté au créneau pour défendre ce qui constitue l’un des principaux outils du développement international de Rhône-Alpes.
Alors que la direction des aéroports (Saint Exupéry et Bron) vient de livrer des résultats 2010 plutôt positifs (1), le CEAL tient à les relativiser. Et souligne, une nouvelle fois, le carcan du centralisme à la française : les 8 millions de passagers du quatrième aéroport français ne pèsent pas grand’chose face aux 58 millions de Charles de Gaulle et aux 25 millions d’Orly, aux 51 millions de Francfort et aux 32 millions de Munich, aux 48 millions de Madrid et aux 27 millions de Barcelone, aux 33 millions de Rome et aux 35 millions de Milan, etc. Dure réalité : Lyon fait partie des vingt villes européennes les plus attractives, Rhône-Alpes des dix PIB les plus élevés… mais Saint Exupéry reste le 47ème aéroport du Vieux Continent ! Ce n’est pas le meilleur argument pour attirer des capitaux ou des clients étrangers, comme on le souligne chez Merial, Rhodia et autre Sanofi.
Pour les lobbyistes régionaux, qu’ils soient privés ou publics, le meilleur candidat à la succession de l’Etat comme actionnaire principal des aéroports lyonnais sera celui qui présentera une vision stratégique claire, ambitieuse et, nécessairement, de long terme. Olivier Ginon (GL events) : “il est difficile de bien vendre Eurexpo ou la Cité Internationale, par exemple, car notre aéroport n’est pas assez développé. Il faut donc y investir lourdement dans le futur”. La société Aéroports de Paris (ADP), intéressée par la reprise, a-t-elle ce profil ? Rien n’est moins sûr. Philippe Grillot, nouveau président de la CCIT de Lyon, n’en est pas convaincu, loin de là : “Si ADP veut investir sur l’aéroport de Saint Exupéry pour en faire un outil moderne qui servira la région et ses entreprises, nous sommes prêts à discuter. Mais nous ne voulons pas devenir une succursale des aéroports parisiens”. Un danger bien réel que les relations de dépendance de l’aéroport vis-à-vis d’Air France, qui peut y souffler le chaud et le froid, illustrent déjà parfaitement.
Le maire de Lyon Gérard Collomb enfonce le clou : “il nous faut garder la maîtrise de l’aéroport, rester maîtres chez nous. Nous avons déjà discuté avec la CCI de Lyon, nous le ferons aussi avec le Département et la Région, afin de constituer un bloc local pour obtenir une majorité de contrôle sur l’aéroport” (2). Le débat devient politique. Recentralisation ou décentralisation : cela pourrait être le principal enjeu de la privatisation des Aéroports de Lyon.
Didier Durand
(1) Après la baisse enregistrée en 2009, le trafic passager 2010 a retrouvé le niveau de 2008 (7, 979 millions en 2010 contre 7,924 millions en 2008).
(2) La CCI détient 25 % des parts des Aéroports de Lyon, et trois collectivités (Région, Département et Grand Lyon) 5 % chacune.
Bref Rhône-Alpes n° 2031 du 06/04/2011
Photo : ©Jean-François Marin