L’industrie sidérurgique investit et recrute dans la Loire. Cette annonce peut paraître incongrue après les saignées enregistrées ces derniers mois chez Akers et Siemens notamment, dans un secteur qui semblait voué aux pages de l’histoire économique du département, locomotive de la première et de la deuxième révolution industrielle. Mais l’une des dernières entreprises sidérurgiques de la vallée du Gier, Industeel (360 salariés), n’entend pas abandonner le terrain. Elle vient d’engager un programme d’investissement de 28 millions d’euros et une centaine de recrutements.
Héritière de l’un des maîtres de forge locaux, les Marrel, qui implantèrent leur première forge à Saint-Martin-la-Plaine en 1780, l’usine de Châteauneuf est aujourd’hui l’une des composantes du groupe ArcelorMittal et de sa filiale Industeel, présente également à Charleroi et au Creusot, deux autres terres de tradition sidérurgique. Sa cheminée, qui culmine à 108 mètres depuis 1867, est l’un des signaux d’entrée dans la Loire, en bordure de l’autoroute entre Saint-Etienne et Lyon.
L’usine de Châteauneuf n’avait pas réalisé d’extension depuis 35 ans. Fin 2012, ce site de 100 000 m2 couverts comprendra 4 000 m2 supplémentaires, une nouvelle presse de 8 000 t, deux fours et des outils de trempe complémentaires, ainsi qu’un retourneur pour pouvoir inspecter les tôles produites sur les deux faces en toute sécurité. Le design de la nouvelle presse à planer a été conçu en interne par son bureau d’études. “On fabrique aussi une partie des tôles de la future installation”, précise Bertrand Brives, le directeur du site, qui conduit avec Alexandra Balp ce projet d’extension de capacité, vecteur de gain de productivité.
La capacité de production va ainsi s’accroître de 20 000 t pour être portée à 80 000 t. Au vu des carnets de commandes, ce projet, étudié dès 2008 mais retardé par la crise, est devenu primordial. L’usine de Châteauneuf fabrique en effet des aciers sur mesure, des produits spécifiques haut de gamme, des tôles jusqu’à 1 m d’épaisseur, particulièrement recherchées dans la pétrochimie, le raffinage, le traitement du pétrole et du gaz, les plateformes offshore (l’énergie représente 80 % de ses débouchés depuis vingt ans). Et de nouvelles niches s’ouvrent dans les systèmes de sécurité, d’obstruction et de fermeture de puits, dans les tracks pompes pour la fissuration hydraulique. Autre créneau : les blocs moules destinés à l’injection de pièces plastiques pour l’automobile. L’usine exporte plus de 95 % de ses tôles, 30 % des commandes enregistrées depuis 2011 provenant de Chine.
“Si nous ne parvenons pas à satisfaire la demande des pays émergents, ils iront trouver une solution ailleurs”, observe Bertrand Brives qui a plaidé avec succès la cause de cette extension auprès du comité stratégique d’ArcelorMittal. L’unité proche d’Euroform (Saint-Chamond), filiale d’Industeel spécialisée dans le formage et l’emboutissage de tôles très épaisses, bénéficie aussi de ce programme d’investissement avec l’installation d’un nouveau four.
Vue de Châteauneuf, la mondialisation n’est pas si manichéenne. Elle peut ponctuellement avoir des impacts positifs, même pour de vieux territoires industriels comme la Loire qui a encore des atouts et des savoir-faire à valoriser.
Vincent Charbonnier
Bref Rhône-Alpes n° 2043 du 13/07/2011
Photo : L'usine de la vallée du Gier fabrique des tôles jusqu'à… 1 mètre d'épaisseur.