Réunis par les syndicats jeudi 29 mars 2012, les salariés des sites de Gémenos et de La Ciotat du groupe Gemalto sont entrés en ébullition. Malgré des résultats records en 2011, la pérennité des emplois serait à terme menacée par le désengagement du groupe en France, sur un fond de soupçon de "pillage" des résultats par le top management.
Devant la grogne de plus en plus vive des syndicats français du groupe Gemalto pour réclamer un partage plus équitable des bénéfices records de 228 millions d'euros réalisés en 2011, Philippe Cabanettes, DRH du groupe, a annoncé le lancement d’un plan exceptionnel de distribution gratuite d’actions aux 10 000 salariés du groupe dans le monde. L’annonce faite préalablement aux délégués syndicaux centraux vendredi 16 mars a d’abord suscité la surprise mais s’est rapidement transformée en lourde déception. "C’est encore une opération de communication destinée à allumer des contre-feux face aux tensions actuelles et à la dégradation du climat social. Cette rémunération potentielle et différée ne répond absolument pas à notre demande", dénonce Anthony Vella, délégué syndical CFE-CGC du site de Gémenos.
Depuis l’annonce, les salariés sont en ébullition. L’intersyndicale constituée fin 2011 pour "dénoncer le pillage de l’entreprise par ses dirigeants" veut continuer à faire pression. En cause, les 13 millions d'euros de plus-values réalisées par sept des principaux dirigeants en 2011 sur les stock-options et actions gratuites qui leur ont été attribuées, un montant jugé démesuré par rapport au 3,75 millions d'euros d’augmentation salariale concédée aux 2 835 salariés français.
Gemalto, leader de la sécurité numérique et numéro un mondial sur le marché des cartes à puce, est depuis 2006 un groupe de droit néerlandais. Sa construction financière lui permet d’échapper aux dispositifs français de partage des résultats, comme la participation ou la nouvelle prime de partage de profit dite "prime Sarkozy". L’accord d’intéressement, 1 300 € en 2011, est jugé insuffisant par les salariés qui réclament un juste retour de leurs efforts consentis depuis 2009 pour accroître de plus de 50 %, à 300 millions d'euros, le résultat opérationnel en 2013.
Cet objectif ambitieux de la direction se traduit par l’accentuation de l’implantation à l’étranger du groupe et par une pression sur les salariés de plus en plus vive. Anne-Marie Chopinet, cadre dirigeant de l’entreprise et déléguée syndical central FO, dénonce des micro-réorganisations pernicieuses qui poussent des cadres mal accompagnés vers la sortie. Une expertise, menée par le cabinet Syndex dans le cadre d’un droit d’alerte déclenché par le comité central d’entreprise en juillet 2011, a confirmé le désengagement du groupe en France au détriment de l’emploi à long terme. La machine à désindustrialiser serait donc en marche et ce, malgré l’entrée du Fonds stratégique d’investissement à hauteur de 8 % du capital en 2009, un fonds souverain censé protéger le rôle clé de cette entreprise dans la compétitivité de l’économie française.
Les mésaventures des salariés de la société Fralib, concurrencée par des sites étrangers et condamnée par le groupe Unilever, à proximité immédiate du site de Gémenos, ne laissent donc pas indifférents les salariés locaux qui observent avec une inquiétude grandissante le transfert des savoir-faire vers les dix sites de R&D étrangers.
Anne-Cécile Ratcliffe
Sud Infos n° 780 du 02/04/2012