La Cour des Comptes a rendu en juillet un rapport sur “l’organisation territoriale de l’Etat”… Ce qu’il décrit n’est pas loin de l’usine à gaz !
En France, la décentralisation et la modernisation des services publics n’ont pas toujours eu les effets escomptés. La Cour des Comptes a ainsi rendu en juillet un rapport sur “l’organisation territoriale de l’Etat”… Ce qu’il décrit n’est pas loin de l’usine à gaz !
L’Etat est devenu protéiforme, comme le montrent les dizaines de sigles à travers lesquels il met en œuvre ses actions sur les territoires : ARS, CRP, DDCS, DGCCRF, DGDDI, DIPJJ, DIR, DRAAF, Drac, DRDDI, Dreal, Sgar, etc. Ce sont des dizaines de milliers de fonctionnaires d’Etat qui travaillent au quotidien dans ces directions et agences sur l’Hexagone, tenant un rôle important vis-à-vis des entreprises… de façon pas toujours bien organisée. Prenez, par exemple, les études et statistiques : pas moins de cinq structures (Insee, Banque de France, direction régionale des finances publiques, Direccte, CCIR, auxquels on pourrait ajouter les Urssaf) délivrent régulièrement des notes et analyses de conjoncture ! Des doublons qui ont eu tendance à se multiplier. “Dans certains domaines, notamment pour des politiques majeures comme la politique de la ville, l’animation économique, l’emploi et la formation professionnelle, le nombre de services et d’opérateurs de l’Etat, cumulé avec la présence croissante des collectivités territoriales, est excessif”. Le rapport propose d’ailleurs que l’Etat se retire d’un certain nombre de domaines, comme le tourisme et le commerce extérieur. Et qu’il poursuive dans des voies de rationalisation déjà entamées : le nombre des tribunaux de commerce et des sous-préfectures, dont le maillage hérité du passé n’a pas suivi la géographie économique du pays, est encore jugé trop élevé.
La gestion des ressources humaines reste, quant à elle, un point noir dans les services de l’Etat. Sureffectifs et sous-effectifs de fonctionnaires peuvent coexister dans une même région ou une même administration ; et on ne connaît avec précision ni le nombre d’agents des services déconcentrés ni leur affectation territoriale et leur compétence métier. D’où des situations ubuesques : “Les suppressions de postes (…) produisent, dans nombre de régions et dans certains services, le maintien d’agents disposant d’une affectation mais dont les missions ont été supprimées. Les économies annoncées sont (donc) loin d’être réalisées et, sauf mesure énergique, la situation durera, dans nombre de cas, au-delà de dix ans”. Il faut dire que les procédures de mobilité des agents relèvent d’une lourdeur accablante : “les dispositions qui prévoyaient le départ d’un agent au troisième refus de mutation ont été retirées”, rappelle d’ailleurs le rapport.
Systèmes informatiques hétérogènes, directives centrales qui se multiplient sans concertation, etc. : il y a du pain sur la planche pour améliorer l’efficacité d’un Etat incohérent, trop lourd et finalement trop coûteux pour le contribuable. Même si le préfet de Région Jean-François Carenco s’en défend : “Ce rapport est un non-événement, un coup d’épée dans l’eau. Depuis quelques années, c’est une véritable révolution que vit l’administration”. Une révolution non achevée, sans doute.
Didier Durand
Photo : A gauche, la Préfecture (Lyon). A droite, le préfet de Région Jean-François Carenco.
Bref Rhône-Alpes n° 2130 du 11/09/2013
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