Louer des fonctions informatiques et externaliser des données plutôt que posséder des licences de logiciels et de l’espace de stockage : c’est le principe du cloud computing. Un changement complet de modèle économique pour une filière qui trouve là de nouveaux relais de croissance.
Certains comparent déjà l’arrivée du nuage au bouleversement occasionné par la naissance de la micro informatique, voire à l’avènement du réseau électrique… Tempête du siècle ou grain sans conséquence ? Le concept de cloud computing – on lui préfèrera la traduction littérale, d’informatique dans les nuages – opère en tout cas un virage majeur dans la jeune histoire de l’informatique.
Pierre-José Billotte, président d’Eurocloud France, association regroupant les principaux acteurs du cloud – et accessoirement auteur de science-fiction – explique : "il s’agit de délivrer aux entreprises les ressources informatiques sous forme de services, et non plus sous forme de produits matériels ou logiciels". Concrètement, vous n’achetez plus, une fois pour toutes, une licence par logiciel utilisé et par poste équipé, mais vous accédez, à la demande, via Internet, à des ressources informatiques externes (serveurs offrant des capacités de calcul, stockage, logiciels, etc.), mutualisées et partagées avec d’autres utilisateurs.
"Les logiciels et les données utilisés par l’entreprise sont stockés dans des fermes de serveurs distants et ces fonctions sont facturées à l’usage par le prestataire. Le poste de travail n’est plus qu’un outil d’accès à ces ressources", précise Nicolas Chavas, chef de projet à l’Espace numérique entreprises de Lyon (ENE, association pour la diffusion des TIC dans les PME de Rhône-Alpes).
Avantages pour le client : pas d’investissement de départ, mais un coût à l’usage ; plus de maintenance, migration, mise à jour ou sauvegarde ; accessibilité de tous à partir de tout accès à Internet… "La question de la fiabilité n’est plus un problème : il est prouvé que vous avez plus de chance d’avoir un problème sur votre PC que sur une ferme de serveurs", argumente Nicolas Chavas.
"Les questions de sécurité et de confidentialité constituent encore un frein pour certains clients, notamment en ce qui concerne les données stratégiques de l’entreprise. Concrètement, dans ce cas, l’utilisateur ne sait pas où sont ses données ni si elles voisinent avec celles d’un concurrent sur un serveur mutualisé. Mais les messageries électroniques fonctionnent comme ça depuis de nombreuses années… Et vous pouvez aussi choisir de ne pas mettre toutes vos données dans le cloud…", explique Nicolas Chavas.
Pour autant, alors que même le géant Microsoft, symbole du modèle économique de la licence, vante désormais le cloud power, les acteurs régionaux de l’édition de logiciel opèrent aussi leur mutation. "Notre croissance à deux chiffres (19 % en 2010, soit un chiffre d’affaires de 32,7 millions d’euros) est le fruit à la fois de notre développement international et de notre passage d’un modèle d’éditeur licence à un modèle cloud computing", commente Jean-Michel Bérard, président du directoire d’Esker, un des principaux éditeurs rhônalpins de logiciels. Utiliser à la demande, selon ses besoins, plutôt qu’acheter ce qu’on n’utilise pas à 100 % tous les jours… Plus qu’un nouveau concept, le nuage est un modèle économique loin de se cantonner à la seule informatique.
Matthieu Massip
La mutualisation sur un même serveur d’applications fonctionnant sur des machines différentes date des débuts de l’informatique ; les messageries en ligne l’utilisent, elles, depuis les années 1990. Mais c’est le cybermarchand Amazon qui a lancé la première offre commerciale, vers 2005.
Ayant beaucoup investi dans des infrastructures performantes afin de lancer sa boutique en ligne, l’entreprise américaine s’est vite aperçue qu’en dehors des pics d’activités des fêtes de fin d’année, sa monstrueuse créature informatique était surdimensionnée. Pourquoi, alors, ne pas rentabiliser ces équipements en louant de l’espace de stockage et de la puissance de calcul à des clients ? Le quotidien New York Times fut le premier à louer l’infrastructure d’Amazon pour stocker ses archives en ligne. L’informatique était entrée dans l’ère du nuage.
Magazine Entreprises Rhône-Alpes n°1506 - Juin/juillet 2011. Retrouvez-le en kiosque.
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