La signature de l'acte d'acquisition du terrain et des bâtiments de l'usine Fralib de Gémenos par la Communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole (MPM), qui devait avoir lieu ce 29 août, a été repoussée d’une semaine.
Dans un communiqué vespéral, le président (PS) de MPM Eugène Caselli a indiqué que la signature de la vente des terrains de l’usine Fralib était reportée au 5 septembre, invoquant, de manière sibylline, "des raisons techniques". Selon le propriétaire du site, la SCI Gounod, la Communauté urbaine aurait demandé ce délai afin d’expertiser le coût de la mise en conformité du site.
Du côté des salariés, on endosse la responsabilité de ce report. Gérard Cazorla, secrétaire CGT du comité d'entreprise de Fralib, qui martèle "ne pas faire confiance aux gens d'Unilever" affirme avoir exigé un sursis de la CUM tant qu’elle n’aurait pas obtenu "des garanties sur le maintien de l’outil industriel". Le syndicaliste craint que la multinationale, contrairement à ses promesses, ne déménage une partie des machines, rendant ainsi impossible la poursuite de son activité. "Il n'est pas question qu'ils arnaquent à la fois l'Etat, la communauté urbaine et les salariés en lutte", tempête Gérard Cazorla. Chez Unilever, on tente de mettre un peu d’eau froide dans la théière. La direction reconnaît qu’il y a bien eu débat sur le maintien d’une demi-douzaine de machines, mais que ce débat est désormais tranché et que la totalité de l’outil restera sur place.
MPM avait annoncé début août avoir "finalisé l'acquisition du terrain et des bâtiments de Fralib situés à Gémenos", ainsi que "l'acquisition de tous les équipements et matériels industriels, propriétés de Unilever (…). MPM a conclu la vente du tènement (terrain) sur la base de l'estimation des domaines, soit 5,3 millions d'euros", écrivait Eugène Caselli le 2 août, précisant qu'un protocole "entre Unilever et MPM (avait) abouti à la cession de tous les équipements pour l'euro symbolique". Unilever précisait alors que la valeur de ces équipements s'élevait à 7 millions d'euros. L'usine de Gémenos, la seule en France à produire les thés Lipton et les infusions Eléphant, est occupée depuis plusieurs mois par ses salariés, qui s'opposent à sa fermeture.
Toutes les hypothèques ne sont pas levées pour autant. Reste notamment en suspens le devenir de la marque Eléphant. Alors que les syndicats exigent d’Unilever une cession de cette marque dans le cadre du plan de continuation qu’ils peaufinent avec le gouvernement, les dirigeants du groupe martèlent que "la marque Eléphant restera propriété du groupe Unilever et qu'il n'y aura pas de sous-traitance de ses volumes de production". Début août, Bruno Witvoet, président d'Unilever France, réaffirmait sa proposition formulée quinze jours plus tôt de verser 5 millions d'euros aux 78 salariés s'étant dit intéressés par le projet de reprise des employés, via des indemnités transactionnelles (65 000 euros par salarié), tout en répétant que, selon lui, "ce projet n'était pas viable".
Ce scepticisme donne du grain à moudre à l'opposition de droite au sein de MPM. Laure-Agnès Caradec, présidente (UMP) du groupe "Union pour l'avenir communautaire", dénonce une "utilisation partisane (...) de l'argent public (…). Pourquoi préempter ce terrain alors qu'aucune solution viable et crédible n'existe à ce jour ? ", s'interroge l’élue marseillaise. "Alors que la volonté de quelques salariés de créer une Scop est conditionnée à un accord de sous-traitance avec Unilever, ce dont le Pdg a encore réaffirmé l'impossibilité, le président de MPM s'entête dans une voie sans issue, aux frais du contribuable", déplore-t-elle.
Cette attaque n’est évidemment pas restée confinée dans un sachet de thé. Se posant en bon gestionnaire de l’argent public, Eugène Caselli rappelle que "ces terrains et bâtiments seront ensuite soit loués par MPM au prix du marché, soit revendus à un futur acquéreur, toujours après avis des Domaines". Et perfide, il remue des souvenirs douloureux en précisant que cette acquisition "s’inscrit dans la continuité de la gestion publique de cette zone qui a été aménagée à la fin des années 80 et courant des années 90 par une société d’économie mixte du Conseil régional, alors présidée par Jean-Claude Gaudin". La SEM en question, aujourd’hui disparue, est la Semader, société chargée de la construction des lycées et de l’aménagement, dont la gestion fut dans le collimateur de la justice à la fin des années 90...
William Allaire
Sud Infos n° 794 du 03/09/2012