Rappel des faits. Un contrôle de l'Europe en Champagne-Ardenne a révélé une erreur d'appréciation de l'Etat français dans le calcul des aides Feder de l'Union aux Régions.
S'il finance le développement économique, il ne doit pas entrainer de distorsion de la concurrence entre les états membres. Hors, c'est là que ça coince avec l'Europe. Les fonctionnaires de Bruxelles estiment que certaines sommes attribuées aux pépinières, qui abritent 1 160 emplois, comme aux pôles de compétitivité pour des investissements sous l'ombrelle "actions collectives", subventionnent directement les entreprises. Résultat, l'Europe ne financera pas la totalité des montants inscrits dans leurs budgets pourtant validés par la Région.
Beaucoup de ces structures s'appuient sur un plan de financement correspondant à des "actions collectives" avec des fonds venant à 20 % du privé (les loyers, cotisations, services rendus...) et 80 % de fonds publics. Via le Feder, l'Europe finance alors 50 % de l'opération. Hors, dans la mesure où l'Union européenne estime que leur mission bénéficie au secteur privé, la part publique ne doit pas dépasser 50 % contre les 80 % prévus. Le budget de certaines structures pourrait baisser de 30 %. Une mesure applicable rétroactivement !
Ainsi, certaines pépinières se retrouvent aujourd'hui dans une situation inextricable. Elles ont inscrit dans leur budget des financements Feder qu'elles ne recevront pas en totalité. Elles se sont référées à des pratiques validées par l’Etat français. Au niveau national, le trou causé par cette bévue pourrait atteindre 200 millions d'euros ! Sur Agroparc à Avignon, Citadis, la SEM qui a réalisé l'extension de la pépinière Créativa inaugurée l'an dernier, ne devrait pas recevoir tous les fonds inscrits dans son business plan. Quid de la pépinière Pégase sur l'aéroport d'Avignon et son budget d'investissement de 6 millions d'euros ? La livraison du bâtiment en cours de chantier est déjà annoncée avec six mois de retard.
La Datar a demandé en février à toutes les pépinières de revoir leurs calculs. Elles pourraient bénéficier de la totalité des aides de l'Europe si les entreprises qu'elles abritent n'ont pas perçu plus de 200 000 euros d'aides publiques diverses sur trois ans ! Les directeurs de pépinières ont de quoi s'arracher les cheveux.
A cela s'ajoute le fait que les pépinières touchent des loyers sur des bâtiments financés dans le cadre "d'actions collectives". Ils sont considérés comme une recette. Pour Bruxelles, il s'agit d'un retour sur investissement indu car réalisé sur une subvention. Il faut alors retrancher de la subvention les loyers que la pépinière va recevoir sur plusieurs années, dix à douze ans de recettes selon certaines sources.
Last but not least, deux autres soucis agitent nos pépinières. D'une part, l'Europe met du temps à payer. Certaines attendent des reliquats de 2009, voire 2008. Des factures sont refusées pour des raisons de forme (une assurance sur l'année 2010 facturée par l'assureur en 2011...), d'autres d'opportunité (un déplacement pour une mission qui n'aurait pas pris la solution la plus économique...). Ainsi, une pépinière comme celle du pôle de l'Arbois (13) doit jongler avec sa trésorerie.
D'autre part, certaines peinent à attirer de nouveaux porteurs de projets car les banques ont durci l'attribution de crédit aux jeunes pousses. C'est notamment le cas de celle de Châteaurenard (13) qui compte 18 bureaux et deux ateliers-relais. En Paca, leur taux d'occupation de 75,90 % en 2009 est déjà tombé à 70,75 % en 2011. Celle de Veynes (05), pour d'autres raisons, gérée par une association depuis 15 ans, va être réintégrée au service économique de la communauté de communes. Dans le même temps, d'autres projets de pépinières apparaissent ça et là, en Paca, sans aucun mécanisme de concertation régional, souligne le réseau Repères qui regroupe la profession dans le sud de la France. En Paca, les pépinières comptent 26 locataires en moyenne.
Pour les financements des Prides, nos pôles de compétitivité régionaux, Christophe Castaner, vice-président de Paca, délégué à l’Emploi et au Développement économique, a fait voter une aide d'urgence de 3,7 millions d'euros pour assurer leur financement sur les mois qui viennent. Et éviter une vague de licenciements. Cette subvention devrait être considérée comme illégale. Elle remplace une aide européenne annulée car elle provoquait une distorsion de la concurrence entre les entreprises des états membres. Comment la Région pourrait alors venir au secours des pépinières ?
Emmanuel Brugvin
Sud Infos n° 787 du 04/06/2012