Istanbul, 25 mai 2005. Finale de la Champion’s League de football. A la mi-temps, le Milan AC mène 3-0 contre Liverpool ! Les carottes sont cuites pour les Anglais. Sauf que… Au terme d’une seconde mi-temps renversante (3-3) et d’une série de pénalties haletante, ce sont les joueurs de Liverpool qui soulèvent finalement la Coupe. Incroyable ! Le lendemain, les média britanniques font le siège des Reds et de leur entraîneur Rafael Benitez. L’explication de la victoire se fait sur écran, à travers une analyse quasi-scientifique de la bérézina de la première mi-temps… et de la tactique radicalement différente imprimée à l’équipe en seconde période.
L’anecdote sert d’argument à Thomas Schmider pour vanter la technologie de traitement de l’image développée par sa société, Sport Universal Process (SUP ; Nice et Lyon), qui, depuis, a convaincu les plus grands clubs européens de football. Grâce à huit capteurs installés autour du terrain et qui en balaient l’intégralité de la surface, l’outil permet de suivre et d’enregistrer les mouvements des 22 acteurs d’un match, un par un, seconde par seconde. Résultat : une quantité phénoménale d’informations sur chacun d’entre eux. Distances parcourues, duels remportés ou perdus, vitesse de course, nombre de ballons touchés, situation par rapport à l’équipe, à l’adversaire, vitesse de replacement… La liste semble infinie de ces informations objectives et froides qui vont permettre au coach d’analyser forces et faiblesses des joueurs, de construire ses entraînements et d’adapter sa tactique.
Real de Madrid, Bayern de Munich, Chelsea, Inter de Milan, Porto FC… 60 % des clubs de l’élite dans les cinq championnats européens les plus relevés se servent désormais des bases de données de SUP pour analyser à la loupe les performances de leur équipe. Mais aussi pour recruter. Imaginez : je cherche un attaquant, œuvrant plutôt en Espagne, âgé de 22 à 25 ans, qui marque au moins douze buts par saison depuis trois ans, gaucher de préférence, bon remiseur et qui n’hésite pas à revenir défendre si nécessaire. La base de données de SUP permet de faire un premier tri entre ses 10 000 joueurs professionnels recensés.
“Il y a quelques années, on nous disait : ce ne sont pas vos ordinateurs qui vont nous apprendre à travailler ; la gestion d’une équipe, c’est de la technique footballistique et de l’humain. Aujourd’hui, les clubs ne peuvent plus se passer de nos outils statistiques”, dit Thomas Schmider, à la tête du leader incontesté sur ce métier. Connu pour avoir co-dirigé Infogrammes, puis présidé l’AS Saint-Etienne (2004-2005), il a su redresser SUP qu’il avait rachetée en 2004, quand elle était en dépôt de bilan après dix années de R & D, pour en faire un leader incontesté. C’est pour accélérer son développement qu’elle vient de lever 2,95 millions d’euros auprès du fonds XPansion (XAnge) et de Promelys Participations.
SUP vise désormais le Brésil et l’Afrique, grandes terres de football et réservoirs de joueurs, ainsi que l’Asie et les Etats-Unis. Elle envisage aussi d’autres sports collectifs. Pour mieux imposer sa science du jeu.
CA 2010 : 5 ME (90 % avec les clubs, 10 % avec les média) ; 70 salariés ; 5 filiales européennes ; 70 clubs sous contrat ; 6 000 matches codés par an.
Didier Durand
Bref Rhône-Alpes n° 2015 du 01/12/2010