Chef de file des politiques économiques territoriales, le Conseil régional vient d’adopter sa nouvelle “Stratégie de développement économique et d’innovation 2011-2015”. Une direction tracée pour les cinq années à venir, qui confirme le retour de valeurs qu’on avait cru définitivement balayées par internet et la mondialisation. A la lecture d’un rapport dense de plus de 70 pages, deux idées fortes émergent de l’océan de principes énoncés. Primo : l’industrie n’est pas (plus ?) un gros mot ; elle reste l’une des principales composantes de Rhône-Alpes et constitue une priorité. Secundo : les petites entreprises locales, qui participent pleinement à l’équilibre social des territoires, doivent être accompagnées.
Il faut donc “soutenir et consolider l’industrie”. Première région française de sous-traitance et sur le podium dans de nombreuses filières, Rhône-Alpes a perdu plus de 20 000 emplois industriels en une seule année de crise. Et, depuis, n’en a reconstitué qu’un tiers. C’est pour anticiper ces mutations industrielles et lutter contre les délocalisations que la Région veut constituer un outil régional d’intelligence économique : recueil et analyse de données, veille sur les entreprises, gestion territoriale de l’emploi et des compétences, doivent permettre de prévenir les crises. Pas vraiment révolutionnaire ! On est même surpris qu’un tel outil d’expertise n’existe pas encore, compte tenu des nombreux acteurs déjà en place. La remarque vaut d’ailleurs pour l’immobilier d’entreprises, autre levier de l’industrie, pour lequel la Région souhaite mettre en place des outils mutualisés d’observation foncière. Dans ce domaine, elle “s’assurera d’une couverture territoriale de pépinières” destinée à accompagner les créateurs d’entreprises, et participera à la requalification des friches industrielles tout en luttant contre l’éparpillement des zones d’activités, jugées trop nombreuses. Autre priorité régionale : l’économie de proximité. Le commerce, l’artisanat, les services à la personne, l’hôtellerie-restauration, les petites entreprises ou encore l’agriculture, parce que non délocalisables, atténuent les soubresauts de la conjoncture. D’où l’intérêt porté par la Région à la création d’entreprise, aux circuits agroalimentaires courts ou à l’urbanisme commercial.
Comme sur d’autres thématiques tout aussi essentielles (innovation, international, promotion des territoires, économie sociale et solidaire, politique de filières, accès des entreprises aux financements), la Région entend être l’acteur de référence, celui qui donne l’impulsion et coordonne les (trop ?) nombreux intervenants déjà en place : collectivités, agences (Erai, Ardi, Aderly…), clusters, pôles de compétitivité, CCI, services de l’Etat, syndicats professionnels... Mais ce rôle de stratège trouvera ses limites dans le budget qu’elle consacre chaque année à l’action économique (au sens strict : 202 millions d’euros, sur les 2,4 milliards d’euros de son budget total). Et dans le flou institutionnel : l’Union Européenne veut renforcer ses liens avec les Régions, mais l’Etat réinvestit le champ de l’économie (Oséo, UbiFrance, Ademe, Fonds stratégique d’investissement, Pres…) ; et l’émergence des Métropoles pourrait elle aussi brouiller le jeu.
Didier Durand
Bref Rhône-Alpes n° 2026 du 02/03/2011
Photo : ©Région Rhône-Alpes / Jean-Paul Bajard.
L'économie du village de Champfromier (Ain) est animée par l'industriel du cru MGI Coutier (4 200 pers. dans 22 usines à travers le monde).