Après quelques semaines de consultations internes, l’établissement FagorBrandt de Lyon connaît désormais son sort : l’usine, qui fabrique des lave-linge, devrait changer de mains et entamer une diversification à marche forcée vers d’autres produits comme… des voiturettes électriques. Un virage à 90 degrés que les salariés, malgré l’appréhension de certains d’entre eux, ont approuvé le 8 février (1).
Le groupe coopératif espagnol Fagor, qui avait racheté Brandt en 2005, a donc décidé de cesser sa production à Gerland, concentrée exclusivement sur les lave-linge top (chargement par le dessus), dont la production ne cesse de baisser sous l’effet conjugué du marché, plus favorable aux machines à hublot, et d’une délocalisation en Pologne. Le site lyonnais est donc condamné à disparaître… ou à évoluer. C’est là que l’industriel rhônalpin Pierre Millet entre en jeu.
“Depuis quelques temps, je cherchais à diversifier mon entreprise de tôlerie. Je me suis donc intéressé au dossier de FagorBrandt à qui j’ai proposé un plan de réindustrialisation de son site de Gerland, tout en conservant la totalité du personnel (2). Cette usine me semble tout à fait armée pour réussir ce challenge”. Pierre Millet propose de déployer de nouvelles fabrications qui prendront progressivement le relais des lave-linge : des filtres pour le traitement des eaux usées ; des sous-ensembles de chaudronnerie nucléaire ; des voiturettes électriques et sans permis ; des sous-ensembles photovoltaïques. Et de nouveaux services : maintenance de batteries pour véhicules électriques, de machines tournantes et autres générateurs. Un éventail d’activités réalisées en propre, en sous-traitance ou sous licence, qui seraient en phase finale de négociation avec des partenaires industriels.
A ceux qui doutent de sa solidité financière (sa société iséroise Tecnitol réalise un chiffre d’affaires de 2 millions d’euros), Pierre Millet affirme être suivi par ses banques. Et rappelle qu’il n’acquiert pas l’établissement de Gerland : il détiendra 90 % de la société créée à l’occasion (SITL), à laquelle FagorBrandt, qui en conserve les 10 %, confie l’activité. Le groupe, qui louera ses locaux à SITL, s’engage en outre sur un budget de formation de 9 millions d’euros, afin de permettre aux salariés d’acquérir les compétences nécessaires. Un budget complémentaire de 3 millions entrera dans le cadre d’une GPEC (Gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences). Bref, Fagor accompagne la transition… tout en s’évitant la facture d’un plan social.
Tout le monde semble trouver son intérêt dans une opération qui reste un pari. Le plus dur sera de passer du paperboard aux réalités industrielles et commerciales. Fagor déclare vouloir poursuivre sa production de lave-linge jusqu’en 2014, et au-delà si le marché est demandeur. Trois ans pour que la transition s’effectue en douceur. Sacré challenge !
Didier Durand
(1) Seule la CGT est hostile à la cession de l’usine. Elle réclame de rester dans le giron de Fagor, dénonçant les conséquences de la délocalisation en Pologne et réclamant le maintien des droits sociaux. (2) 507 salariés. La structure R&D (50 pers.) de Lyon reste dans le giron de FagorBrandt. Bref Rhône-Alpes n° 2024 du 16/02/2011