Quantité réduite de neige, pergélisol plus instable, glissements de terrains, inondations... le visage de la montagne est appelé à changer. Et les professionnels réfléchissent à la façon de s'adapter.
D.D.
Face au réchauffement climatique, les acteurs de la montagne n'ont pas le choix, ils doivent s'adapter. On les voit multiplier les initiatives pour consommer moins de carbone et modifier leurs modèles économiques.
Les constats climatiques sont clairs. Début janvier à Courchevel, Gerhard Krinner, directeur de recherche au CNRS (IGE de Grenoble) et coauteur du 6e Rapport du Giec, les exposait une nouvelle fois, histogrammes et figures à l’appui. En résumé : voilà 50 ans que les scientifiques avertissent la communauté internationale d’un changement climatique majeur et démontrent que cette évolution relève de l’activité humaine. Que l’on raisonne sur 2000, 200 ou 20 ans ne change rien, les données sont têtues et les observations de l’année 2022 confirment la tendance au réchauffement. Les Alpes et ses glaciers en font les frais, de façon encore plus rapide que le reste du continent, et il faut s’attendre à ce que la montagne change : moins de neige, un pergélisol plus instable, des glissements de terrain, des inondations… pas la peine d’en rajouter. Hormis quelques négationnistes, personne ne conteste plus cette évolution des températures et ses conséquences, aujourd’hui visibles à l’œil nu.
Une mutation qui va demander du temps
Les professionnels de la montagne sont eux aussi convaincus. Mais il va leur falloir un peu de temps pour assurer la mutation d’un modèle économique qui fait leur prospérité depuis des décennies : celui des stations de ski. On ne manœuvre pas un tel paquebot comme un vélo. Une chose est sûre, cependant : le virage est entamé et on reconnaît déjà les précurseurs à la pointe des changements à venir. Ils sont de plus en plus nombreux, boostés par une jeune génération et une clientèle très attentives à l’environnement et aux enjeux du réchauffement climatique. Gestionnaires de domaines skiables, collectivités, offices du tourisme, équipementiers, fabricants d’articles de sport, start-up, etc. : ils ont des idées à revendre et se retroussent les manches sans nécessairement faire du greenwashing*, dans les domaines les plus sensibles comme la mobilité, la construction, l’énergie ou la biodiversité.
Des innovations pas forcément technologiques
L’innovation contribuera à atteindre le zéro carbone et à rétablir certains équilibres environnementaux : recyclage des skis et des chaussures de ski, rétrofit des dameuses diesel pour les faire fonctionner à l’huile végétale usagée (et ça marche, la Compagnie des Alpes a ainsi converti ses 130 dameuses cet hiver) ou à l’électricité, émergence d’un béton de bois, comptabilisation carbone, modélisation des domaines, navettes électriques, panneaux photovoltaïques flottants…
Les solutions ne passent d’ailleurs pas toutes par de la technologie. Voyez la revégétalisation des pistes avec des graines issues de plantes locales (non achetées dans le commerce) et de « foin vert », réalisée à la main sur 18 hectares de l’Eclipse, la piste tracée pour les prochains Championnats du monde de ski. Ou le reboisement de certains domaines skiables pour séquestrer le CO2, voire la protection de grands oiseaux comme le tétra lyre…
* Bref Eco vous présente régulièrement leurs initiatives et leurs engagements, en particulier dans ses hors-séries dédiés à l’économie de la montagne dont le 2e tome vient de sortir (« Innover pour une montagne apaisée »). À cette occasion, nous avons d'ailleurs organisé une table ronde le 19 janvier, à Lyon.
Cet article a été publié dans le numéro 2524 de Bref Eco.