Les dynamiques locales sont très marquées en Haute-Savoie.
D.D.
On l’a entendu mille fois depuis que les gilets jaunes font parler d’eux : la France est coupée en deux. D’un côté les métropoles et les gagnants de la mondialisation ; de l’autre les territoires périphériques, désindustrialisés et en marginalisation. Représentation simpliste ! affirme la récente étude de La Fabrique de l’Industrie*.
La réalité est tout autre. Non, les grands bassins industriels ne sont pas condamnés au déclin et les espaces ruraux au naufrage ! La désindustrialisation française ne touche pas tous les territoires de la même façon. Et la diversité des situations rend toute généralisation inopérante. Certains territoires présentent même un développement industriel florissant, création d’emplois à l’appui. Ainsi, sur les 304 zones d’emplois françaises étudiées par La Fabrique de l’Industrie, une cinquantaine a vu leur emploi industriel progresser. Qu’est-ce qui fait donc qu’un territoire résiste mieux qu’un autre, voire poursuit son développement dans un contexte général de marasme industriel ?
Le contexte national explique 52 % des variations...
L’étude économétrique de la Fabrique démontre que la concentration sectorielle (que les secteurs soient dynamiques ou en déclin) influe très peu sur les variations de l’emploi industriel (à hauteur de 10 % seulement). En revanche, le contexte national (taux de change, santé de nos partenaires commerciaux, évolution du salaire minimum, changement des habitudes de consommation) explique 52 % de ces variations. Restent donc 38 % de ces évolutions qui dépendent directement de dynamiques locales, propres à chaque territoire. Le prix des terrains, la disponibilité de la main-d’œuvre, le climat, la géographie, les infrastructures de transport, l’accès à la recherche et à l’enseignement, les relations clients-fournisseurs, les relations avec les territoires voisins, la présence de leaders, etc., ont une influence prépondérante sur l’évolution de l’emploi.
... mais les effets locaux dominent dans 40 % des cas
D’autres atouts immatériels jouent un rôle primordial, comme l’histoire des territoires, l’efficacité des institutions ou encore la qualité des échanges entre les différents acteurs économiques locaux, qu’ils soient privés ou publics. Dans 40 % de l’échantillon, soit 122 zones d’emploi, ces effets locaux sont même dominants ! En Auvergne-Rhône-Alpes, ces derniers sont particulièrement positifs à Issoire, Ambérieu, Annecy, Annonay, Clermont-Ferrand, dans le Chablais ou à Romans-sur-Isère.
S’il n’y a pas de recette unique au pays des 258 fromages, il n’y a pas non plus de fatalité au déclin. Les industries se renouvellent et des territoires blessés peuvent rebondir. La clé de voûte de la réussite est souvent humaine : le dialogue et la solidarité entre les acteurs, la culture entrepreneuriale aussi, constituent l’une des réponses les plus efficaces.
* Denis Carré, Nadine Levratto, Philippe Frocrain : « L’étonnante disparité des territoires industriels : comprendre la performance et le déclin. » Publication de La Fabrique de l’Industrie (think tank présidé par Louis Gallois et Pierre-André de Chalendar).
Cet article a été publié dans le numéro 2393 de Bref Eco.