Il ne voulait plus devenir général de gendarmerie. Le nouveau directeur commercial de la société Petzl, acteur historique de la communauté montagnarde, entame une mue spectaculaire.
Le patron du fabricant de matériel de sécurité pour la montagne, Paul Petzl en personne, s’en amuserait presque. Mais la décision de lancer dans le bain du commerce international Blaise Agresti s’appuie sur des certitudes. “Blaise a un désir profond de servir la montagne”, commence-t-il d’une voix posée. “C’est quelqu’un de curieux et d’intelligent. Il est dans la réflexion et il a beaucoup de leadership”.
Le futur directeur commercial monde de Petzl était encore en juin dernier dans son uniforme de colonel de gendarmerie, commandant du groupement des Pyrénées-Orientales. 700 hommes sous ses ordres ! Le management n’est donc pas un territoire inconnu pour le Saint Cyrien élevé entre Mont Ventoux et Aix-en-Provence. Pour lui, la difficulté n’est pas là. “Ma seule question, c’est mon utilité sociale. Est-ce que je vais apporter quelque chose à l’entreprise, oui ou non ?” Les sujets d’interrogation concernant cette greffe entre un représentant de l’Etat haut gradé et une entreprise privée familiale ne manquent pas.
Paul Petzl n’a pas croisé Blaise Agresti au détour d’un sentier de montagne. La rencontre est plus ancienne. Celui qui est aussi guide de haute montagne, est l’un des administrateurs de la Fondation Petzl. Dans leurs nombreuses conversations, des signaux suffisants ont été échangés entre les deux hommes pour que Blaise Agresti reçoive il y a un peu plus d’un an une proposition. “Son rôle ne sera pas un copier coller de son prédécesseur, Patrick Werlé, qui part à la retraite. Il aura une approche plus stratégique”. Paul Petzl jouera le jeu jusqu’au bout : il a prévu une phase d’intégration.
Face à lui, il trouve un adepte de la gestion de crise. Chef d’opération dans diverses catastrophes naturelles, expert auprès de l’Association Progrès du Management et intervenant à HEC, concepteur d’un film et d’un livret pédagogique sur le sujet, Blaise Agresti a, comme on dit, des références. “Ce grand cycle de la crise m’a beaucoup intéressé. Je pense que c’est un facteur de progrès pour l’organisation”. Petzl n’est pas en crise. La société a misé gros sur un cadre dont l’objectif sera de conforter son chiffre d’affaires.
La phase d’intégration a commencé en juillet par cinq mois de transition, avec un premier salon et un mois d’immersion avec son prédécesseur aux Etats-Unis. Dès la rentrée, ce sera la tournée des services et puis le début d’un Executive MBA à l’EMLyon, pendant deux ans, à raison de trois heures par mois. “C’est la meilleure garantie pour l’avenir. Je vais m’acculturer. Mais il ne faut pas oublier que le business est inspiré de la stratégie militaire !” Le colonel de gendarmerie a besoin de temps pour passer de l’uniforme au costume.
Il le dit sans détour, il n’aurait jamais imaginé “une demi-seconde être dans cette fonction”, même si les discussions avec Paul Petzl ont sans doute généré “une ouverture” plus ou moins consciente de sa part. Non, Blaise Agresti se serait d’abord projeté dans une responsabilité technique et le haut gradé le reconnaît tranquillement : “Je n’ai jamais été ouvrier, comme on dit, mais j’en ai l’âme. Je me suis toujours contraint de faire le travail avec mes subordonnés”.
Lorsqu’il dira un jour à Paul Petzl qu’il voulait rentrer “comme ouvrier”, sans le savoir, il aura levé les dernières interrogations du chef d’entreprise qui ne voit pas la réussite de Blaise Agresti sans un parcours initiatique au sein des ateliers. “Je pars dans un esprit de cordée avec Paul. Je m’inscris dans un lien de confiance absolue. Mais une cordée peut aussi voler en éclats”.
Le futur ex-gendarme reconnaît qu’il marche beaucoup à l’affectif. A 44 ans, Blaise Agresti est conscient que tout cela “n’est pas totalement raisonnable”. C’est ce qu’il a dit à ses “subordonnés” en partant. Mais la porte de la Gendarmerie n’est pas fermée. Il a quatre ans pour y revenir s’il le souhaite. Le passionné de montagne ne voit cependant pas les choses comme cela. “Finalement, peut-être que je suis davantage dans la continuité en venant ici”. En tous cas, la communauté Petzl l’attend.
Vincent Riberolles
Bref Rhône-Alpes n° 2212 du 02/09/2015
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