Vincent Carry, le directeur d'Arty Farty.
L'organisateur des Nuits Sonores a fait entrer le festival de musique dans la culture lyonnaise et internationale.
Quinze ans déjà que, chaque printemps, les Nuits Sonores font danser les Lyonnais. La première édition de ce festival de musique électro avait attiré 16.000 personnes. Désormais incontournable sur la scène artistique internationale, il a affiché 138.000 spectateurs l’an dernier ! Mais au-delà de ses Nuits dont il vient de présenter le programme 2017, l’organisateur Arty Farty déploie une myriade d’activités culturelles sur un modèle entrepreneurial peu commun dans un monde où les aides publiques font souvent la pluie et le beau temps.
Certes, la Ville de Lyon a largement soutenu le démarrage des Nuits (40 % du budget de la première édition). Il faut dire que le concept présenté par Vincent Carry, directeur d’Arty Farty, avait de quoi séduire son maire Gérard Collomb : faire entrer la techno dans des friches industrielles, là où ce genre musical est né dans les années 1970 à Detroit (Etats-Unis) ou dans la Ruhr allemande ; et apporter à Lyon un festival d’envergure internationale.
Des lieux chargés d'histoire
Parmi les 300 lieux qui ont accueilli les concerts des Nuits en quinze ans, beaucoup sont chargés d’histoire : La Sucrière, les Salins du Midi et le Port Rambaud, SLI (ex-usine d’ampoules), le Marché d’Intérêt National, Brossette, etc. Cette année, c’est l’ex-Fagor-Brandt qui constituera la scène principale du festival : l’usine sera réhabilitée, mise aux normes et aménagée en salle de concerts, à la charge d’Arty Farty. Mais une fois les Nuits sur les rails, Vincent Carry s’est rapidement posé la question de leur pérennité : « Pour développer notre modèle, il nous fallait générer nos propres ressources ». Sous-entendu : ne pas vivre grâce au bon vouloir d’élus locaux changeants et d’institutions publiques versatiles.
Des bénéfices qui proviennent de quatre filiales
Cette volonté d’indépendance a poussé l’association à diversifier ses financements : aujourd’hui, son budget global se répartit entre l’autofinancement pour 60 % (billets, boissons et restauration...), le sponsoring pour 25 % (50 entreprises partenaires), le reste étant apporté par la Ville, la Région et l’Europe. Autour de l’association Arty Farty, se sont greffées quatre filiales qui font remonter leurs bénéfices à la maison-mère.
C’est donc un véritable groupe de 70 salariés et 6,4 millions d’euros de chiffre d’affaires qui déploie de multiples activités : gestion de restaurants (Subsistances ; bientôt la Piscine du Rhône), privatisation de lieux pour des événements d’entreprises, conseil artistique, forum culturel (European Lab), gestion de carrières d’artistes. D’autres projets verront bientôt le jour, comme la gestion d’un incubateur d’entreprises culturelles (Hôtel 71, quai Perrache) et l’animation de la Halle Girard, futur lieu totem de la French Tech lyonnaise.
Vincent Carry milite pour que l’esprit d’entreprendre s’empare du monde culturel, en refusant pour autant de tomber dans une logique de pur capitalisme. Intransigeant : « Trop de gens veulent défendre la culture en expliquant qu’elle génère de la richesse et de l’attractivité pour les territoires... C’est vrai. Mais n’oublions jamais sa véritable vocation : la création, l’éducation, le partage de valeurs, la résorption des fractures sociales. Dans tous ces domaines, le sponsoring a un rôle déterminant à jouer, c’est l’intérêt des entreprises de soutenir la culture. Car on ne développe pas une économie saine sur des ruines sociales et culturelles ».
Cet article a été publié dans le numéro 2273 de Bref Eco.