Daniel Karyotis.
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Directeur général de la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes (BPAURA), Daniel Karyotis est en première ligne dans le financement des entreprises touchées par la crise du Covid-19. Il nous livre son point de vue sur le Prêt garanti par l’Etat (PGE) et sur ce que sera, selon lui, la banque d’après…
Bref Eco : 44.200 PGE ont été distribués en Auvergne-Rhône-Alpes depuis le début du confinement, soit 7,06 milliards d’euros accordés aux entreprises. Où se situe la BPAURA par rapport à ces chiffres ?
Daniel Karyotis : Nous représentons environ 30 % de parts de marché. A ce jour, la BPAURA a accordé 14.200 PGE représentant entre 1,5 et 1,6 milliard d’euros d’encours. A titre de comparaison, sur l’année 2019, nous avons accordé 2,4 milliards d’euros de prêts aux professionnels et aux entreprises. C’est-à-dire qu’avec les PGE, nous avons, en l’espace d’un mois, assuré 70 % de notre production annuelle de crédits. C’est énorme ! Et nous allons très certainement dépasser rapidement les 2 milliards d’encours. Il faut aussi dire qu’il y a eu un effet de substitution par rapport au prêt bancaire classique.
Bref Eco : Comment vous êtes-vous organisés en interne pour répondre à cet afflux ?
Daniel Karyotis : Ce qui m’a surpris, c’est l’agilité de notre organisation : du Groupe BPCE d’une part qui a répondu présent pour mettre en place des reports d’échéances de prêts et tous les outils informatiques pour gérer le travail à distance et ce, sur un laps de temps très court ; d’autre part, de nos collaborateurs qui se sont très vite adaptés à leurs nouvelles façons de travailler. 1 200 personnes sont aujourd’hui mobilisées sur le PGE dans notre banque. Le rôle des managers a été clé dans la réussite de cette transformation. Ils ont dû apprendre manager leurs équipes en présentiel et à distance. Cette crise aura permis de tester l’agilité des organisations.
Les mesures prises ont été très positives et il était indispensable de les prendre
Bref Eco : Certaines voix s’élèvent contre le recours massif aux PGE, affirmant qu’il s’agit de l’arbre qui cache la forêt pour les entreprises qui étaient déjà en difficulté. Qu’en pensez-vous ?
Daniel Karyotis : Il faut saluer la réactivité des acteurs tels que la Banque Centrale Européenne et l’Etat français. Lors de la crise financière de 2008, la BCE avait réagi avec retard et mis en œuvre sa contre-attaque avec lenteur, ce qui avait contribué à aggraver l’ampleur du séisme. Cette fois-ci, les mesures prises ont été très positives et il était indispensable de les prendre ! Il fallait viser l’effet de masse, même s’il est vraisemblable que certaines entreprises en difficulté aient saisi cette opportunité.
Bref Eco : La Banque populaire Auvergne Rhône Alpes a décidé de se saisir du sujet des changements climatiques en créant la Banque de la transition énergétique. De quoi s’agit-il ?
Daniel Karyotis : Ce projet a débuté il y a deux ans, d’une réflexion personnelle en premier lieu : notre monde ne peut plus tourner ainsi. Nous en sommes venus à déposer, en 2019, la marque « Banque de la transition énergétique ». Et la crise liée au Covid-19 a donné un coup d’accélérateur à notre ambition : nous allons créer une structure juridique dédiée, placée sous la responsabilité de Pierre-Henri Grenier. Notre objectif est de pousser ces transitions.
Bref Eco : Quels outils allez-vous utiliser pour cela ?
Daniel Karyotis : Nous n’en sommes qu’au début. Nous sortons de notre pré-carré et avons une courbe d’apprentissage devant nous. Néanmoins, il y a déjà des choses que nous pouvons faire, comme tracer l’épargne de nos clients vers des produits verts. Cela existe déjà mais il faut le faire savoir. Dans un deuxième temps, il faudra nous entourer de compétences externes.
Cette crise a montré que l’intelligence collective pouvait faire de grande chose
Bref Eco : Croyez-vous qu’il y aura un avant/après Covid-19 : le monde va-t-il réellement changer après tout cela ?
Daniel Karyotis : Les crises économiques et financières de 2008‑2009 avaient déjà fait apparaître les premières failles de notre modèle. Après cela, il y a eu des crises politiques, sociales et même climatiques. Je pense que notre modèle actuel a démontré toutes ses limites. Cette crise a montré que l’intelligence collective pouvait faire de grande chose et cela me rend optimiste pour la suite. Nous avons en nous des capacités de rebond qui sont fabuleuses.
BIO EXPRESS de Daniel Karyotis
1961 : naissance à Reims
1985 : Maîtrise en économétrie à l’Université de Reims
1988 : Diplômé de l’Institut d’Etude Politique Paris
1985 : entre à la Société Générale comme arbitragiste sur le MATIF
1987 : Analyste financier en charge du secteur bancaire chez Standard & Poor’s
1992 : Directeur financier et directeur du développement de la Caisse d’Epargne Lorraine Champagne-Ardennes
1998 : Dg et membre du directoire de la Caisse d’Epargne du Pas de Calais
2001 : Pdt du directoire de la Caisse d’Epargne Lorraine Champagne-Ardennes
2007 : Pdt du directoire de la Banque Palatine
2012 : Dg et membre du directoire de la BPCE
Depuis fin 2016 : Dg de la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes
LA BANQUE POPULAIRE AUVERGNE-RHÔNE-ALPES (BPAURA) EN CHIFFRES
3 400 collaborateurs dans plus de 300 agences réparties dans quinze départements
Plus de 6,5 Md€ de prêts (aux particuliers et aux entreprises) en 2019 et un encours de crédits de 27,8 Md€
1 M de clients dont 300 000 sociétaires
Cet article a été publié dans le numéro 2414 de Bref Eco.