Martin Revel, président du Cecim.
En ce début d'année, nous vous proposons une série d'interviews de décideurs économiques de la région sur leurs espoirs et visions pour 2024. La Fédération des Promoteurs Immobiliers (FPI) de la région lyonnaise et l’observatoire du Centre Etudes de la Conjoncture Immobilière (Cecim) tiraient une nouvelle fois la sonnette d’alarme, en septembre dernier, à propos du marché du logement neuf. En cette rentrée, le président du Cecim, Martin Revel ne voit malheureusement pas d’amélioration arriver…
Bref Eco : Quel est le bilan 2023 en matière d’immobilier de logement neuf ?
Martin Revel : Fin novembre (derniers chiffres disponibles au moment où nous écrivons ces lignes), on dénombrait 1.439 réservations nettes sur la Métropole de Lyon soit le plus bas niveau historique. Ce sera sans doute 1.500 fin décembre. Pour comparer, le record date de l’année 2016 avec 5.390 réservations. Durant l’année covid, nous étions tombés à 2.985 réservations nettes, et nous estimions que c’était une catastrophe car on était encore à 4.512 l’année d’avant, en 2019.
Du côté de l’offre disponible (sur plan, en chantier et livrée non vendue), on dénombre 3.870 logements, ce qui représente une hausse de 20 %, essentiellement due à la baisse généralisée des ventes et non d’une hausse des mises en vente évidemment. Car les promoteurs sont prudents et ralentissent les mises en vente : il y en a eu 1.897 cette année contre 3.000 en 2022.
La mévente, c’est un effet de l’augmentation des prix associée à une augmentation des taux ?
M.R. : Les prix, les taux mais aussi les difficultés de financement.
Qu’observe-t-on du côté des ventes en bloc ?
M.R. : Les investisseurs institutionnels ont quasiment disparu car il n’y a plus de rendement. Les bailleurs sociaux achètent un peu moins car leur financement se complique avec la hausse du taux du livret A. Mais la Métropole a annoncé une enveloppe de 10 millions d’euros pour booster ce secteur. C’est déjà ça. Dans le logement intermédiaire, il y a une embellie grâce aux acquisitions de la Caisse des dépôts.
Ce qui signifie que les collectivités locales comme l’État jouent le jeu…
M.R. : Oui, sur ce point, c’est positif. Mais au global, on est loin de la sortie de crise.
Quelles seraient les solutions ?
M.R. : La première étape serait un abaissement des taux d’intérêt. Pour l’instant, ils sont flats. On peut peut-être espérer quelque chose cet été. Cela redonnerait des marges de manœuvre mais ce ne serait pas suffisant pour les investisseurs particuliers puisque le gouvernement n’a pas l’intention de prolonger ou remplacer le dispositif de défiscalisation Pinel. L’État pourrait également proposer des mesures d’accompagnement comme une baisse de la TVA par exemple. Ce n’est pas idiot dans la mesure où il y a aujourd’hui un risque de voir 200.000 à 300.000 emplois détruits dans le bâtiment.
Est-ce que le prix des logements neufs pourrait baisser ?
M.R. : Pas pour le moment. Si les prix baissent, les promoteurs perdent de l’argent. Cela pourrait arriver seulement s’il y avait une augmentation très significative du stock livré et non vendu que les promoteurs préféreraient brader pour avoir de la trésorerie.
Indépendamment des difficultés des Lyonnais à acheter des logements, il y avait de toute façon une crise de l’offre qui avait débuté antérieurement. Quelles en étaient les raisons ?
M.R. : Je citerais d’abord les difficultés à obtenir des permis de construire. Cela prend toujours plus de temps car les élus suivent les aspirations de leurs administrés qui rechignent à voir de nouvelles constructions dans leurs communes. Mais il n’y a pas que cela. Les élus s’interrogent aussi sur la façon de financer les équipements publics nécessaires pour accueillir de nouveaux habitants. D’où l’instauration à Lyon d’une taxe d’aménagement majorée, qui mène encore à une augmentation des prix. Je citerais aussi le problème de la disponibilité des fonciers. On sort de 25 ans de construction accélérée et aujourd’hui, il y a de moins en moins de friche pour reconstruire la ville sur la ville. Certains promoteurs ont acheté des terrains au prix fort en 2019 et sont aujourd’hui dans l’impossibilité de sortir des logements à prix raisonnables. Enfin, j’ajouterais la réglementation RE2020, complexe et chère.
Et les marges des promoteurs ?
M.R. : Elles sont traditionnellement comprises entre 6 et 8 % et peuvent parfois monter à 9 % mais en ce moment, je pense qu’elles sont en dessous de 4 %. Donc non, pas possible de jouer là-dessus ! Je pense que la vraie solution, ce serait de relancer un grand cycle de production avec beaucoup de foncier pour créer plus d’offres afin de générer une baisse des prix.
Cet article est issu de notre hebdo n°2564, à retrouver ici.