Loïc Asselin, responsable de l'exploitation CimentAlgue, devant le photobioréacteur tubulaire qui va permettre d'ensemencer les bassins de microalgues.
C.Delisle
Dans le cadre du projet CimentAlgue soutenu par l'Ademe, le cimentier Vicat s’est associé à l'entreprise de Saint-Nazaire, AlgoSource Technologies, pionnière des microalgues, pour valoriser le CO2 et la chaleur fatale issus du four de sa cimenterie de Montalieu-Vercieu en cultivant, sur place, ces organismes.
Depuis quelques semaines, la cimenterie de Montalieu-Vercieu - la plus grande de France - a vu poindre entre ses bâtiments une serre de 1.000 m2. À l’intérieur, 350 m2 de bassins - encore vide pour le moment - s'apprêtent à recevoir des microalgues. Nous sommes dans le démonstrateur industriel CimentAlgue, du nom du projet collaboratif soutenu par l'Ademe dans le cadre de l'appel à projets BIP 2014 (Bioressources, Industries, et Performance) et qui associe, outre Vicat et AlgoSecure*, TotalEnergies et l'Université de Nantes.
Un investissement de 2 millions d'euros
Ce démonstrateur, qui a représenté un investissement de 2 millions d'euros pour Vicat, subventionné à hauteur de 20 % par l'Ademe, doit permettre de tester en conditions réelles la production de microalgues, à partir de la chaleur fatale et du CO2 émis par le four de la cimenterie. Car pour se développer, les microalgues ont besoin de chaleur et… de CO2. 300 mètres de tuyaux ont donc été installés pour acheminer, depuis le four à 1.450 degrés jusqu'à la serre, de l'eau chaude et de la fumée pour en récupérer le C02, indispensable à la photosynthèse : « Les microalgues consomment 5 à 10 fois plus de CO2 au m2 que les plantes terrestres », explique Olivier Lépine, fondateur d'AlgoSource Technologies qui cultivera, dans un premier temps, de la spiruline, cette microalgue bleu vert aux nombreuses vertus pour la santé, et qui s'épanouit dans une eau à 30 degrés.
Schéma du fonctionnement du projet CimentAlgue ©AlgoSource Technologies
Une tonne devrait être produite pour la première année, soit l'équivalent de ce que produit déjà AlgoSecure sur son site d'Assérac, au milieu des marais salants de la Presqu’île de Guérande. Un séchoir, installé sur le site dans un conteneur aménagé, permettra de transformer directement la matière première.
Un projet de recherche avant tout
Mais attention, « l'objectif premier du démonstrateur n'est pas commercial », précise néanmoins Eric Bourdon, DGA de Vicat. « Il s'agit avant tout d'un projet de recherche qui permettra de tester, en conditions réelles, la culture de microalgues et d'analyser tout le cycle de vie de la production », ajoute Olivier Lépine. Un travail qui a déjà été fait à plus petite échelle par l'Université de Nantes, qui analysera toutes les données, une fois l'expérimentation terminée.
« L'idée est également de travailler sur l'automatisation des paramètres de culture (température, PH, humidité, etc.) afin d'éviter le plus possible les interventions humaines », ajoute encore Loïc Anselin, responsable de l'exploitation qui est prévue pour durer deux ans. « Après un an à produire de la spiruline, nous travaillerons sur une souche de microalgue qui nous sera fournie par TotalEnergies en vue de produire du biocarburant », ajoute ce dernier.
D'autres démonstrateurs à Montalieu-Vercieu
Pour Vicat, il s'agit là de la première unité de récupération de la chaleur fatale sur son site de Montalieu-Vercieu. D'autres projets, utilisant le CO2, sont en cours, comme le démonstrateur de l'entreprise britannique Carbon8 Systems qui permet de capter et stocker de manière pérenne le CO2 des gaz de combustion de la cheminée de l’usine. Les poussières sont alors « carbonatées » avec ce CO2 pour être transformées en granulats légers présentant des caractéristiques intéressantes en termes d’isolation thermique. Et en 2025, Vicat et Hynamics, filiale du Groupe EDF spécialisée dans la production d’hydrogène, compte développer une solution intégrée de capture de CO2 et de production de méthanol décarboné.
* AlgoSource Technologies emploie vingt personnes et réalise environ 2 M€ de CA. Elle travaille à trouver des voies de valorisation des microalgues. Elle travaille notamment avec Eiffage sur un biobitume à base de microalgues.