Pierre Monlucq : « Il nous faut fidéliser les jeunes talents et écouter les start-up. »
L’ubérisation de l’économie n’épargne aucun secteur. Même les plus traditionnels d’entre eux ne sont pas l’abri de cette tornade numérique, venue souvent de nulle part mais qui peut rebattre totalement les cartes de la concurrence.
Prenez le bâtiment. L’arrivée d’un nouvel acteur comme Béton Direct (lire sur Brefeco), première plateforme de vente en ligne spécialisée dans la livraison sur mesure de béton et mortier frais pour les petites entreprises, est une illustration de ces « barbares » qui déferlent sans crier gare. Idem dans les travaux publics. La semaine dernière, le nouveau président du Syndicat des industries routières de Rhône-Alpes (Sprir ; 23 entreprises et 12.000 personnes), Pierre Monlucq, avait décidé de tenir son assemblée générale dans les locaux du Tubà, à Lyon. Lieu symbolique, créé il y a cinq ans comme un espace de rencontres entre start-up, grands groupes et acteurs publics soucieux d’innover pour développer la « ville intelligente ».
Attirer les digital natives
Introduction de Pierre Monlucq en guise de signal d’alarme : « On estime à 40 % la part des jeunes diplômés qui quitte le secteur des travaux publics au bout de cinq ans pour se réorienter dans une autre filière. L’industrie routière doit anticiper cette nouvelle tendance qui a pour conséquences la perte importante de jeunes talents que nous avons formés et la disparition de nos savoir-faire. » Pas assez attrayantes, les entreprises de travaux publics doivent s’interroger sur la manière dont elles doivent « attirer les digital natives et fidéliser les jeunes talents ». Pour mieux prendre leur virage numérique.
Trouver l’esprit start up
Comment insuffler un « esprit start-up » à une industrie routière qui en semble bien éloignée ? En rapprochant les entreprises en place des jeunes pousses, justement. Comme l’a confirmé le récent salon VivaTechnology (15‑17 juin), il n’est pas une entreprise du CAC 40 qui n’a développé une politique d’innovation « ouverte » en se tournant vers les start-up : plus agiles, plus réactives, plus imaginatives, elles sont insensibles à une culture maison parfois paralysante. Et le nouveau président du Sprir Rhône-Alpes de citer le cas de Total qui s’est appuyé sur la petite société Mister Asphalt pour développer un procédé de transport simplifié du bitume. Ou celui de la SNCF pour laquelle Lookies a conçu un programme analysant l’affluence et le temps d’attente en gare, grâce à des capteurs installés sur les quais.
L’innovation est partout
Alors, le Sprir initiera peut-être des échanges avec quelques start-up du Tubà. Comme Futurmap par exemple. Créée par un géomètre topographe, cette jeune société traite les millions de données cartographiques et topographiques des infrastructures pour concevoir des maquettes numériques 3D, gérer des parcs immobiliers ou numériser des plans de lycées pour les bureaux d’études ou les collectivités. Ou Copark, laquelle propose une appli pour gérer en temps réel les parkings urbains sous-exploités (sous-sols d’immeubles de bureaux, stades, etc.). On pourrait multiplier les exemples. L’innovation est partout, sur la route comme ailleurs.
Intelligente, la route du futur
Quelques pistes de R & D en cours : la route solaire (solution Wattway par Colas, avec l’Ines de Savoie Technolac ; un plan de 1.000 km attendu d’ici cinq ans) ; dalles piézoélectriques (à Las Vegas, des dalles cinétiques permettent de transmettre aux réverbères l’énergie produite par le déplacement des piétons) ; marquages éclairants, dispositifs de recharge sans contact. Autres sujets de réflexion sur la route numérique et connectée : contrôle du trafic, voitures autonomes, intégration et sécurisation des conducteurs seniors…
Cet article a été publié dans le numéro 2293 de Bref Eco.