Entrepreneur dans l’âme, le dirigeant de Drawn présente un parcours très atypique. D’ingénieur à «start-uper», en passant par professeur de yoga, Sylvain Charpiot a vécu plusieurs vies.
Rencontrer Sylvain Charpiot, c’est entrer dans un tourbillon. Des idées à la seconde, une volubilité à toute épreuve… Il donne l’impression d’être toujours pressé. Et c’est d’autant plus vrai qu’il est pleine campagne de crowdfunding.
Le créateur de Galatea - un robot d’impression 3D haut de trois mètres - débite son histoire à gros tronçons. Une histoire qui débute à Montbéliard, en Franche-Comté : “Mon père dirigeait une entreprise sous-traitante de Peugeot. Il réalisait 99 % de son chiffre d’affaires avec le constructeur. Quand, du jour au lendemain, Peugeot nous a lâchés pour un sous-traitant délocalisé, la boîte a coulé instantanément”. Aujourd’hui, il dit ça avec un petit sourire revanchard. Car, quand Sylvain Charpiot a créé Drawn, il y a trois ans, c’est dans les usines de PSA à Aulnay-sous-Bois qu’il est allé récupérer un robot soudeur industriel. PSA était alors au bord de la faillite.
Agé de seulement douze ans, il aide son père à “monter une boîte”. Dès qu’il a le temps, il part installer des systèmes d’alarme chez des particuliers pour le compte de cette petite entreprise familiale. C’est, selon lui, cette expérience qui lui donnera sa fibre entrepreneuriale. Il s’amuse d’ailleurs bien plus à trafiquer des boîtiers électroniques qu’à suivre ses cours. Même s’il obtient de très bonnes notes, il confie sans détour : “Je me suis toujours ennuyé en classe”. A 15 ans, il fait même pression sur ses parents pour lâcher l’école. Peine perdue. Il se retrouve en prépa à Strasbourg. “Un truc de débile mental”. De premier de la classe, il devient dernier. Pour ne pas être obligé de subir ce traitement pendant trois ans, il met les bouchées doubles. Et se retrouve finalement aux Arts et Métiers à Cluny.
Le trentenaire, issu d’une famille d’entrepreneurs, met ce passage obligé à profit en s’impliquant largement dans la Junior-Entreprise de son école. C’est même avec beaucoup de fierté qu’il dit en avoir été le président. C’est d’ailleurs le seul souvenir qu’il raconte à l’évocation de ces années d’étudiant.
Diplômé, il part en Europe centrale pour Pechiney. “C’était en République tchèque. Je suis arrivé en plein hiver dans une usine qui n’avait pas de toit. Il neigeait sur les machines…” En tant que directeur technique, il est chargé de la maintenance. Il y reste deux ans, avant de s’envoler pour des latitudes plus accueillantes. Il débarque en Thaïlande, puis au Laos, pour le compte d’une société belge spécialisée dans la taille de diamant. Un changement d’environnement et de culture qui n’est pas pour lui déplaire. “Au départ, j’avais un peu peur. J’y ai beaucoup appris et ça m’a énormément ouvert l’esprit”. A 26 ans, il est à la tête d’une usine de mille personnes. Il y reste un peu plus de trois ans. Malgré tout, l’ennui s’installe chez cet infatigable développeur. Féru des arts de la scène, comédien amateur à ses heures perdues, il regrette un peu la France.
Mais le retour est difficile. Après plusieurs essais, il repart en Finlande dans une usine de production d’oxygène dédié à l’exploitation d’une mine d’or. Le tout par -20°C et deux mètres de neige. Quand enfin il rentre à Lyon - il y a trois ans - il décide de prendre un temps de réflexion avant de se lancer dans une nouvelle aventure. Il prend des cours de théâtre et achève une formation pour devenir professeur de yoga. Il s’intéresse également au design. Et c’est en découvrant le projet d’un créateur hollandais qu’il décide de fonder Drawn.
Installé à Corbas, il reconfigure donc un robot soudeur en imprimante 3D géante et commence à imprimer… des meubles. Chaise, table, vase, lampe : tout y passe. Ses designs sont réalisés par des professionnels. Parallèlement, il se forme à la création d’entreprise via le master entreprendre de l’EMLyon. Tout va bien jusqu’à ce qu’il rencontre ses premiers problèmes techniques. “Cet hiver, j’ai failli tout abandonner”. Son associé, peu impliqué, le lâche. Mais finalement, grâce aux conseils de plasturgistes bien avisés, il comprend son erreur et repart, plus motivé que jamais. Sa levée de fonds sur la plateforme de crowdfunding américaine Kickstarter est d’ailleurs un succès. A l’heure où nous écrivons ces lignes, Drawn y a levé près de 25 000 euros, dépassant largement son objectif initial de 15 000 euros. Désormais la start-up envisage la miniaturisation de sa machine Galatea. Avec une ambition : ouvrir un jour une boutique à Paris… ou à Lyon !
Steven Dolbeau
@sdolbeau
Bref Rhône-Alpes n° 2210 du 16/07/2015
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