Mathieu Coutier, dirigeant d’Akwel : la valeur travail... avant tout.
François Lapointe
Voilà une source de pollution automobile qu’on n’avait pas vu venir, en particulier sur les voitures électriques, plus lourdes : le freinage devient le premier émetteur de particules fines (en moyenne 30 mg/km de carbone, cuivre, nickel, chrome, cadmium…) devant les gaz d’échappement. C’est ce qui a poussé l’équipementier automobile Akwel à industrialiser, avec la start-up Tallano, un système d’aspiration et de filtration de particules.
Composé d’une carte électronique et d’une petite turbine, le système mis au point par Akwel (CA 2021 : 922 M€ ; 39 usines; 10 000 pers. dont 1 100 en France et 300 à Champfromier) et Tallano (Paris) capte les microparticules au contact de la plaquette (redessinée) et du disque de frein, au moment du frottement de l’un sur l’autre, puis les aspire par un canal qui les envoie vers un filtre où elles sont stockées.
Cette technologie constitue, avec la poignée futuriste cachée dans la portière, devenue un de ses produits phares (300 000 pièces/an pour la Renault Megane E-Tech à partir de 2023), l’une des innovations qui permettront à Akwel d’affronter le tsunami de la voiture électrique dans une relative sérénité.
De l’agriculture à l’industrie
Akwel a longtemps porté un nom plus commun : MGI Coutier. Un patronyme qui permet de mieux comprendre la saga de ce groupe industriel blotti dans un village installé au pied du Jura, Champfromier dans l’Ain, et qui vient de fêter son 50e anniversaire. Après avoir grandi dans la modeste ferme familiale, les trois frères Coutier créent leur entreprise en 1972. André a obtenu un BTS Plasturgie à Oyonnax et va frapper à la porte du banquier local pour lui demander de lui avancer le prix d’une presse à injecter. Premier produit de l’entreprise : un battant de w.-c.
Quelques années plus tard, le choix est fait de se consacrer à 100 % au marché automobile. Le sous-traitant plasturgiste et mécanicien deviendra bientôt équipementier, prenant en charge la conception et la réalisation de sous-ensembles complets. 1994 est l’année de l’entrée MGI Coutier en Bourse… où la société n’a d’ailleurs jamais levé de capitaux, nous a expliqué l’actuel président du directoire Mathieu Coutier, fils d’André (le capital est encore détenu à 70 % par la famille Coutier). Un cas d’école qu’on pourrait traduire comme une victoire du bon sens paysan sur la culture financière. C’est dans cet état d’esprit que Mathieu ira en 2011 négocier dans le Michigan le rachat de l’américain Avon Automotive.
Le terroir, le travail et l’audace
La révolution de l’automobile électrique en cours n’a pas l’air d’angoisser Mathieu Coutier. Certes, la moitié du chiffre d’affaires d’Akwel sera impactée par les changements technologiques à venir. Mais, contrairement au décolletage de la proche vallée de l’Arve, « il y aura autant de pièces plastiques dans la voiture électrique que dans la voiture thermique. Il faudra s’adapter et innover, c’est tout. De toute façon, il n’y a que le travail qui permet de réussir ». Le travail, une valeur primordiale dans cette montagne jurassienne. La volonté, aussi. Au fait, Akwel signifierait, en patois local, « aller de l’avant ».
Cet article a été publié dans le numéro 2518 de Bref Eco.