Stanislas Lacroix, président du groupe Aldes.
Représentant la 3e génération à la tête de l’entreprise familiale Aldes, spécialiste de la qualité de l’air, Stanislas Lacroix veut faire entendre sa voix et celle de l’industrie sur les sujets chauds du moment, entre réindustrialisation, transition énergétique, mais également difficultés de recrutement…
Vous venez d’inaugurer à Vénissieux, en région lyonnaise, un siège social flambant neuf de 6 600 m2, récemment certifié BREAAM Very Good. À quelles aspirations ce projet répondait-il ?
Stanislas Lacroix : Depuis sa création en 1925, Aldes a beaucoup grandi. Les équipes lyonnaises étaient réparties entre quatre sites, ce qui ne facilitait pas les échanges. Nous avons donc voulu nous doter d’un lieu qui soit plus conforme à la dynamique du groupe et qui corresponde mieux aux attentes des collaborateurs, tout en le positionnant comme une véritable vitrine du savoir-faire et des valeurs d’Aldes. D’ailleurs, nous avons voulu ce projet non pas comme un bâtiment, mais comme un facilitateur de l’échange et du partage. Des espaces ont ainsi été conçus au milieu pour favoriser les rencontres. Le bâtiment a été imaginé autour de quatre grands flux métiers, pour que l’ensemble des acteurs soit dans une chaîne de processus et que les collaborateurs soient le plus proche possible.
Tout a été travaillé autour des expériences des collaborateurs, mais également des clients qui y viennent pour des formations. Le centre de formation occupe d’ailleurs une place importante et nous avons décidé d’ouvrir le restaurant d’entreprise pour du coworking à nos collaborateurs mais aussi à des collaborateurs externes. En fait, ce bâtiment porte la transformation du groupe. L’un nourrit l’autre.
Vous parlez de transformation du groupe. En quoi consiste-t-elle exactement ?
S. L. : La société n’en est pas à sa première transformation ! Lors de sa création en 1925, Aldes, qui signifie Atelier Lyonnais d’Emboutissage Spécial, était un sous-traitant. C’est mon père Bruno Lacroix qui, à la fin des années soixante, a positionné l’entreprise familiale sur la ventilation mécanique des bâtiments, à une époque de construction massive en France. Ce premier virage a permis à Aldes de devenir un acteur majeur de la qualité de l’air intérieur.
Aujourd’hui, la transformation du groupe passe par de nouvelles propositions autour du confort thermique, qui viennent compléter notre métier historique, en allant vers d’autres types d’applications. C’est dans ce sens que nous avons signé, en 2022, un partenariat avec le groupe chinois Hisense, pour élargir notre offre en confort thermique en France grâce à la mise sur le marché de gammes de pompes à chaleur air/air.
Les pompes à chaleur justement… Il en a été question lors de votre intervention le 11 mai dernier à l’Élysée, où vous aviez été convié pour parler industrie et surtout réindustrialisation avec le président de la République, quelques jours avant la présentation du projet de loi « Industrie verte » qui vise à accélérer la réindustrialisation de la France, autour de deux piliers : décarboner les industries existantes, et produire massivement des technologies vertes, ce que Bruno Le Maire appelle les « big 5 » : pompes à chaleur (PAC), éolien, photovoltaïque, batteries, hydrogène vert.
S. L. : En effet, selon les estimations, il faudrait, en France, un million de pompes à chaleur par an pour répondre aux besoins en matière de rénovation et constructions neuves, dans le résidentiel, d’ici 2030. Cela signifie qu’il y aurait 5 milliards d’investissements à réaliser en France très rapidement pour être capable de fournir ce million de PAC. Or, aujourd’hui notre pays n’en fabrique que 250 000.
La PAC est une très bonne idée sur le plan de la transition énergétique mais si l’Europe et la France et ne se réveillent pas, on risque de vivre le même drame qu’a subi l’industrie photovoltaïque.
Le temps politique et la pression des enjeux sociétaux et environnementaux ne sont pas compatibles avec les rythmes industriels : il faut trois à cinq ans pour développer de nouvelles gammes, cinq à dix ans pour garantir un produit robuste. Sur les 6 milliards d’investissements industriels actés ou prévus dans les prochains mois en Europe, 5 % seulement sont réalisés en France lorsque les investissements de nos voisins polonais représentent de 20 à 25 % de ce montant… Et la Pologne donne des terrains ! On ne joue pas dans la même cour ! Il faut arrêter d’être des enfants de chœur.
La France est aujourd’hui leader européen de la chaudière murale gaz, une production où 90 % de la valeur ajoutée est réalisée en France. Or, quand on parle des PAC, la valeur ajoutée produite en Europe n’est que de 30 à 50 %. Il faut impérativement récupérer la fabrication de composants clés, comme les compresseurs, en Europe. La PAC est une très bonne idée sur le plan de la transition énergétique mais si l’Europe et la France et ne se réveillent pas, on risque de vivre le même drame qu’a subi l’industrie photovoltaïque.
De notre côté, nous étudions l’ouverture d’un nouveau site de production à Vitré pour un montant s’élevant entre 15 et 20 millions d’euros, soit une année d’investissements pour Aldes. L’enveloppe est lourde et les temps de retour sur investissement sont longs, nous avons besoin d’être soutenus et d’avoir un environnement stable, une trajectoire claire et cohérente pour avancer efficacement.
Sur le sujet de la transition environnementale justement, sur quoi portent vos efforts de R & D ?
S. L. : L’objectif majeur est toujours de faire des équipements les moins consommateurs possible d’énergie, en réfléchissant aussi au poids du produit, à sa démontabilité, pour pouvoir recycler correctement, au réemploi… Il y a aussi un sujet autour des emballages pour réduire leurs poids et aller vers de la monomatière, toujours dans l’objectif d’en faciliter le recyclage.
Beaucoup d’industriels ont des difficultés de recrutement… Est-ce le cas aussi chez Aldes ?
S. L. : Aldes n’échappe pas aux difficultés de recrutement. Pour y remédier, nous misons d’abord sur nos propres collaborateurs que nous formons pour les faire monter en compétence. Et pour attirer des candidats, nous avons complètement refondu notre marque employeur afin d’être reconnu sur le marché de l’emploi. Nous prenons beaucoup de stagiaires et d’alternants, dans tous les services. J’estime que les entreprises ont un rôle à jouer pour ouvrir leurs portes aux jeunes. J’encourage d’ailleurs les collaborateurs d’Aldes à prendre des stagiaires de troisième…
Cet article est issu de notre hors-série « Les Champions de l'Industrie » tome 4, à retrouver ici.