Alimenté régulièrement par le président d’Auvergne Rhône-Alpes Laurent Wauquiez et celui de la Métropole de Lyon Gérard Collomb, le débat entre “régionalistes” et “métropolitains” bat son plein. Les premiers soulignent le risque d’une fracture géographique que ferait courir de grands pôles urbains tirant seuls la dynamique économique du pays. Tout pour les métropoles, rien pour les autres ? La concentration des activités autour des grandes villes est un fait. Depuis 2008, une demi-douzaine d’agglomérations façonnent ainsi la croissance nationale. En Auvergne Rhône-Alpes, près de 60 % de la création d’emplois se fait aujourd’hui sur la métropole lyonnaise, par ailleurs troisième pôle de création nette d’emplois du pays, derrière Toulouse et Nantes.
Gérard Collomb se défend d’une quelconque hégémonie. Pour en faire la démonstration, il a commandé une étude à l’économiste Laurent Davezies. Pour celui-ci, “les chiffres sont clairs : la métropole lyonnaise ne se coupe pas de son environnement local et régional, et plus généralement des “territoires périphériques” du pays (…) Le rayonnement de son économie bénéficie, par de multiples mécanismes, à de très larges territoires”. Quels sont donc ces mécanismes ?
D’abord, la métropole produit plus de richesse (PIB) qu’elle ne bénéficie de revenu disponible. Comment ? Simplement parce qu’une partie de ses revenus est distribuée sur les territoires voisins, à des salariés travaillant dans la métropole mais habitant à l’extérieur. Ces “navetteurs” (27 % des emplois de la Métropole de Lyon) gagnent leurs salaires à Lyon mais dépensent leur argent sur leur lieu de domicile. Et ils sont de plus en plus nombreux : 3 350 actifs de Villefranche-sur-Saône sont employés dans la métropole, 2 650 de Saint-Etienne, 1 600 de Bourgoin-Jallieu, 1 300 de Saint-Chamond et 800 d’Ambérieu, soit entre 5 % et 25 % des actifs de ces villes.
Autre flux : le tourisme. Si on ne sait pas où les Grands Lyonnais passent leurs vacances, on connaît le lieu de leurs maisons de campagne (66 000 résidences secondaires). C’est d’abord l’Isère et la Savoie, puis l’Ain, le Rhône, la Haute-Savoie, l’Ardèche, la Loire et la Drôme qui profiteraient financièrement de la situation. Le mécanisme est le même concernant les pensions de retraite, payées sur le lieu d’emploi mais bénéficiant aux lieux de résidence, là où les Lyonnais vont couler des jours tranquilles la soixantaine venue.
Conclusion de l’étude : “On peut considérer que le transfert de revenus entre la Métropole et les autres territoires est de l’ordre, au moins, de 11 milliards d’euros, soit 41 % de son revenu disponible brut. La métropole de Lyon est donc d’abord une machine solidaire. Il n’y a pas de fracture entre elle et les autres territoires mais, au contraire, et de plus en plus, couture”.
Toutefois, redistribution ou non, c’est la concentration massive des activités productives dans les métropoles qui est mise en cause par les régionalistes. Les autres territoires seraient-ils condamnés à être des cités-dortoirs, des centres commerciaux, des lieux touristiques ou des maisons de retraite ? C’est Sybille Desclozeaux, présidente du Ceser, qui met les deux parties d’accord : “La Métropole ne doit pas être la pompe aspirante de l’économie régionale. La Région, elle, doit être le garant de l’équilibre des territoires”.
Didier Durand
Photo : ©D. Durand