Créé début 2009 pour simplifier les démarches de création d’entreprise individuelle et susciter des vocations entrepreneuriales dans un pays réputé frileux en la matière, le régime des auto-entrepreneurs continue sa dynamique de croissance en région Paca, mais sur un rythme beaucoup plus modéré. Une inflexion attendue certes, mais révélatrice également de la difficulté de s’improviser entrepreneur et d’un certain désenchantement des pionniers.
Avec 6 319 auto-entrepreneurs nouvellement affiliés entre avril et août 2011 (+ 8 %), les créations d’auto-entreprises en région Paca évoluent depuis quelques mois au même rythme que la moyenne nationale (+ 7 %). La région reste néanmoins celle qui compte le plus d’auto-entrepreneurs actifs, 87 982 fin août 2011, derrière la région Ile-de-France selon le dernier bilan publié par l’Acoss (Agence centrale des organismes de sécurité sociale). "Le succès de l’auto-entreprise en région Paca s’explique par la particularité de son tissu économique", explique Antoine Gros, directeur de l’Urssaf du Var et pilote régional des contrôles. Ce sont principalement des petites structures dont plus de la moitié n’emploient pas de salariés.
L’auto-entreprise tournée principalement vers le commerce, le bâtiment et les services s’est donc développée rapidement jusqu’à représenter six créations d’entreprise sur dix en 2010. Le succès de cette nouvelle formule tant vantée pour alléger les formalités administratives aurait même été le principal moteur de la croissance régionale selon l’Insee.
Si l’Acoss enregistre un ralentissement des nouvelles immatriculations depuis le 2e trimestre 2011 (58 000 au lieu des 91 000 du 1er trimestre), il correspond selon Antoine Gros à la fin de l’effet d’aubaine et à un retour à la normale du processus. "Nous avons épuisé le stock d’auto-entrepreneurs potentiels intéressés par ce nouveau statut et revenons sur un flux de créations plus classique qui évolue en fonction de la conjoncture. Il n’en reste pas moins que la région reste sur un rythme élevé de création d’auto-entreprise et d’entreprise individuelle", indique-t-il.
Le succès de l’auto-entreprise est à relativiser toutefois puisqu’au niveau national et au 1er trimestre 2011, 60 % des auto-entrepreneurs n’avaient pas déclaré de chiffre d’affaires et que le chiffre d'affaires moyen annuel s’élevait seulement est à 8 310 € en 2010, soit moins d’un Smic mensuel net (voir tableau).
En Paca, le chiffre d’affaires moyen reste en dessous de la moyenne nationale dans quatre départements sur six. Seuls le Var et les Alpes-Maritimes sont au dessus. En 2011, la tendance sera difficile à mesurer car le nouveau dispositif des déclarations mis en place depuis début 2011 fausse les comparaisons des données enregistrées par les Urssaf en reportant les premières déclarations jusqu’à 90 jours au delà du trimestre de création.
Une complexité encore renforcée par le manque de fiabilité des auto-entrepreneurs qui ne respectent pas les délais de déclaration. Ainsi, l’Acoss a été contrainte de réévaluer de 23 % à la hausse le chiffre d’affaires déclaré au 1er trimestre 2011 entre mi mai et fin août dernier. En cause, les retards ! De là à lancer la première campagne de contrôle des auto-entrepreneurs, il n’y avait qu’un pas.
Depuis le mois d’août dernier et jusqu’à mi octobre, près de 4 000 auto-entrepreneurs vont être contrôlés par leur Urssaf de rattachement partout en France. Une frappe très chirurgicale puisque l’échantillon contrôlé ne représente que 0,5 % de la population des 738 351 auto-entrepreneurs actifs en France. "L’objectif de cette première campagne est de mesurer l’importance potentielle de la fraude chez les auto-entrepreneurs, explique Antoine Gros, car la simplification du régime de l’entreprise individuelle a aussi été créée pour lutter contre le travail illégal".
En fonction des premiers résultats, d’autres actions pourraient donc être engagées. Des tracas en perspective pour certains auto-entrepreneurs déjà échaudés par plusieurs tours de vis donnés au régime début 2011 : déclaration périodique obligatoire du chiffre d’affaires même nul, nouvelle contribution obligatoire à la formation professionnelle, obligation de souscrire une assurance responsabilité civile spécifique, obligation de justifier de sa qualification professionnelle pour certaines activités artisanales, nouvelle contribution économique territoriale à payer après trois exercices…
La liste des contraintes nouvelles s’allongent et les inconvénients du statut pas forcément bien soupesés dès le départ ajoutent au désappointement de certains auto-entrepreneurs.
L’exonération de TVA s’avère par exemple un inconvénient dans les activités qui nécessitent des investissements ou des achats importants puisque les tarifs pratiqués sont toujours au-dessus des entreprises classiques qui travaillent hors taxes et qu’aucune charge ne peut être défalquée du chiffre d’affaires. Le résultat de l’auto-entrepreneur, future assiette de cotisations et d’impôts, est en effet déterminé uniquement par un abattement forfaitaire appliqué au chiffre d’affaires en fonction de la nature de l’activité.
En matière de protection sociale, les auto-entrepreneurs dépendent du Régime social des indépendants (RSI) et ont fait les frais comme beaucoup de travailleurs non salariés des nombreux couacs liés à la mise en place du nouvel interlocuteur unique. La cacophonie générale a été propice à de belles arnaques dont les auto-entrepreneurs débutants ont été la cible préférée.
Ainsi des sociétés homonymes au Régime social des indépendants ont émis des appels à cotisations et des bulletins d’adhésion pouvant induire les chefs d’entreprise en erreur. Le régime libératoire de l’impôt sur le revenu a fait également grincer des dents quand quelques auto-entrepreneurs un peu trop naïfs se sont aperçus que les revenus générés par leur activité étaient intégrés dans leur revenu fiscal de référence, un montant servant à déterminer leur taxe d’habitation et leurs droits à certaines prestations familiales.
Alors, après trois ans d’existence, les retours d’expérience comme les tours de vis donnés successivement à ce statut pourraient raviver les critiques exprimées depuis 2009. Dès le lancement de l’auto-entreprise, des voix chagrines s’étaient exprimées dans l’enthousiasme général. Les artisans avaient dénoncé les premiers la distorsion de concurrence dont ils s’estimaient victimes, les auto-entrepreneurs bénéficiant de charges fiscales et sociales moins importantes que les leurs.
Mais l’alourdissement des formalités concernant les activités artisanales et les inconvénients de l’exonération de TVA les ont depuis rassurés. "C’est plus contre la concurrence du travail au noir que les artisans doivent se battre", selon le directeur de l’Urssaf du Var.
Les syndicats de salariés avaient brandi également le torchon rouge après que quelques patrons indélicats ont profité de ce régime pour externaliser leurs salariés et se défausser de leurs obligations sociales : "Une pratique pas si marginale dans notre région", expose M. Gros. "Pour lutter contre ce détournement du statut, les contrôleurs Urssaf rapprochent systématiquement la liste des anciens salariés avec celle des auto-entrepreneurs qui ont travaillé pour l’entreprise.
Les contrevenants s’exposent à de lourdes sanctions : des rappels de cotisations et surtout des poursuites au pénal. La contrepartie de ce statut très souple est d’être loyal envers la collectivité ; les juges du tribunal correctionnel sont donc très sévères envers les employeurs qui trichent", explique Antoine Gros.
Le discours poussant les chômeurs à se lancer en tant qu’auto-entrepreneur en bénéficiant de l’Accre, un dispositif supplémentaire temporaire d’exonération de charges, avait fait l’objet également de nombreuses critiques. Avec moins d’un Smic mensuel en moyenne dégagé par les auto-entrepreneurs, difficile selon ces détracteurs de subvenir à ses besoins quand, en plus, l’ancien salarié découvre que sa couverture sociale sera moindre et qu’aucun droit au chômage n’est assuré si sa tentative échoue.
Or durant l’année 2010, une radiation sur quatre provient d’auto-entrepreneurs ayant bénéficié de l’exonération Accre. Certes, il y a une chance sur dix pour que cette radiation corresponde à des dépassements des seuils de chiffres d’affaires selon l’Acoss, mais le nombre d’échecs laisse amer. Difficile donc de s’improviser entrepreneur et de s’assumer comme tel, une évidence occultée un temps par le succès du nouveau régime.
Quelques minutes suffisent pour créer son auto-entreprise sur Internet. Les formalités administratives sont réduites au strict minimum et gratuites. L’auto-entrepreneur bénéficie du régime fiscal de la micro-entreprise si son chiffre d’affaires annuel ne dépasse pas les plafonds prévus : 81 500 € de chiffre d'affaires maximum annuel pour une activité de vente de marchandises ou 32 500 € pour une activité de prestations de services. En optant pour le régime du micro social simplifié, il ne payera alors de charges sociales que s’il génère un chiffre d’affaires, tandis qu’un entrepreneur individuel "classique" payera des charges provisionnelles minimum.
Autre avantage du régime de la micro-entreprise, l’auto-entrepreneur n’est pas soumis à la TVA, ce qui le dispense de tenir une comptabilité détaillée, un simple livre de dépenses/recettes suffit.
Enfin, seul l’auto-entrepreneur a la possibilité d’opter pour le régime libératoire d’impôts à condition que les revenus de son foyer fiscal ne dépasse pas un certain montant : 26 030 € par part de quotient familial en 2009. L’ensemble de ces avantages dérogatoires ont été mis en place pour faciliter sa gestion.
CA moyen des auto-entrepreneurs en 2010 |
Comptes actifs au 31/08/2011 |
|
---|---|---|
France entière | 8 310 € | 738 351 |
Alpes-de-Haute-Provence | 8 256 € | 2 426 |
Hautes-Alpes | 7 650 € | 2 011 |
Alpes-Maritimes | 9 358 € | 24 753 |
Bouches-du-Rhône | 8 256 € | 30 281 |
Var | 8 883 € | 18 704 |
Vaucluse | 8 202 € | 9 807 |
Anne-Cécile Ratcliffe
Sud Infos n° 759 du 10/10/2011