Le Pdg du groupe Martin-Belaysoud, rugbyman pendant ses années d’études à Paris, doit à ce sport un goût prononcé pour la compétition, le combat, la prise de risque et la direction des hommes.
Le talonneur est un joueur essentiel au rugby. Robuste, il ne craint pas la bagarre dans la mêlée, pour s’emparer du cuir ovale face au pack adverse. Patrick Martin, 54 ans, Pdg du groupe Martin-Belaysoud, a été talonneur lorsqu’il étudiait à Paris. Il doit à ce sport un goût prononcé pour la compétition, le combat, la prise de risque et la direction des hommes.
Ce “fils de” est né sous une bonne étoile, celle d’une bourgeoisie prospère et entreprenante. Jean-Yves, son père, a été un dirigeant emblématique de la société familiale fondée en 1829 à Bourg-en-Bresse, spécialiste du négoce de produits sidérurgiques et de fournitures industrielles. Son grand-père maternel a aussi été un important capitaine d’industrie, à la tête des Pompes Guinard. “Etre un grand privilégié m’oblige !”, pense Patrick Martin. Le poids de cet héritage l’a certes “influencé, reconnaît-il, mais pas conditionné”. Institutions privées à Paris (collège et lycée), bac littéraire, Sciences Po, fac de droit jusqu’à la licence, et une prestigieuse école de commerce (Essec) : au bout de ce parcours sans faute, un destin tout tracé l’attend aux côtés de son père.
Pourtant, après son service militaire, le Bressan préfère s’engager dans l’ambiance feutrée du Crédit National (aujourd’hui Natixis). Son métier : le financement d’entreprises. La fin des prêts bonifiés, la spécialité de l’établissement bancaire, ramène Patrick Martin dans le giron familial, paradoxalement moins “protecteur” que la banque. “A ce moment, j’ai compris que les rentes ne sont jamais éternelles !”
L’entreprise Martin-Belaysoud pèse alors 57 millions d’euros de chiffre d’affaires. Son salaire divisé par deux, les débuts du jeune héritier (il avait 27 ans) à la tête de la plus vétuste des deux agences de la société familiale, à Oullins, ressemblent à un parcours initiatique dans l’univers de la vente pure et dure !
Le caractère conquérant du jeune cadre s’exprime très vite. Comme son sens aigu de l’anticipation. “Dans notre métier, le business to business, les parts de marché se déplacent difficilement. Pour avoir un développement rapide, il faut faire de la croissance externe !” En 1991, avec son frère Jean-Christophe (entré aussi dans l’entreprise), il propose un coup de poker à leur père : racheter Disque Bleu, un “gros” concurrent de Brives, au CA deux fois plus gros. “Prenez votre risque”, répond le paternel ! Pari gagné. Une nouvelle page s’écrit pour l’alerte centenaire : celle d’une marche en avant à coup d’acquisitions.
Respectueux des valeurs intrinsèques de la “maison Martin-Belaysoud”, l’attachement au métier et aux hommes qui l’exercent, Patrick Martin n’a cependant pas le culte de la dynastie : aucun portrait de ses prédécesseurs, ni même celui d’Antoine Belaysoud, l’aïeul fondateur, ne se dresse sur les murs du siège burgien.
Rassurante pour le personnel, la longévité de la société, pense son patron, peut développer une forme de résistance à l’évolution du business. Son frère et lui, en 2000-2001, opèrent un nouveau grand changement structurel, en construisant des plateformes logistiques “à une époque où cette évolution n’était pas évidente dans la profession”.
En 2007, Patrick Martin prend seul les commandes de la holding, regroupant les principales filiales : Tereva (distribution de fournitures en plomberie, sanitaire, chauffage et matériel électrique), Mabéo (fournitures industrielles), Crossroad aciers (fournitures pour le gros œuvre du bâtiment).
Sous son casque argenté, le regard bleu perçant de cet adepte des randonnées à ski sur le toit du monde, voit toujours plus loin, scrute les nouvelles formes de commerce. Internet, forcément.
“C’est une autre révolution, un bouleversement fondamental de notre métier”. Martin-Belaysoud s’est mis au diapason du business en ligne il y a plus d’un an, avec succès. Le modèle Amazon fascine autant qu’il intrigue Patrick Martin. L’américain a failli devenir un partenaire. C’est aujourd’hui un concurrent.
Vingt-sept ans - la moitié de sa vie - après son arrivée, le Bressan a hissé l’entreprise familiale aux toutes premières places du marché derrière le leader Saint-Gobain, en décuplant son chiffre d’affaires. Il dépasse le demi-milliard. Martin-Belaysoud emploie près de 1 900 salariés et possède plus de 150 points de distribution à travers la France. Gourmet, friand de gibiers en sauce, Patrick Martin sait que l’appétit vient en mangeant. Son ambition : atteindre le milliard d’euros dans les cinq ans. Une accélération du développement qui le conduira probablement à une nouvelle évolution, à contre-courant de la culture “maison” : verser des dividendes aux actionnaires. Une carotte incontournable dans l’hypothèse d’une ouverture du capital de la société. “Le principal enjeu pour un chef d’entreprise, c’est de faire adhérer l’ensemble des salariés à ses orientations”, déclare le Pdg adepte du langage de vérité. Chez Martin Belaysoud, on n’a jamais vendu du rêve aux salariés, mais du pragmatisme. Les propos d’un ancien directeur commercial ont valeur de principe intangible dans la société : “Marge ou crève !”
Philippe Cornaton
Photo :©P. Cornaton
Bref Rhône-Alpes n° 2183 du 03/12/2014
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