Anthony Contat, président de l'ANDRH Rhône et Ain.
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Anthony Contat est directeur des ressources humaines du groupe Aktid à Chambéry, président de l’ANDRH (Association nationale des directeurs des ressources humaines) section Rhône et Ain et membre du bureau national. Il analyse le comportement et les attentes des entreprises dans un marché de l’emploi et du recrutement chahuté.
Quels constats faites-vous concernant les recrutements des entreprises d’Auvergne-Rhône-Alpes ces derniers mois ?
Anthony Contat : Depuis 2024, l’ANDRH note un frein sur les recrutements avec une réflexion de fond sur les besoins réels des entreprises. Ces dernières affichent clairement une position de prudence et, en même temps, d’optimisation de leurs équipes, selon évidemment leur taille. Certaines plus petites, TPE et PME principalement, ont stoppé les recrutements. Du côté des ETI et des grands groupes, on constate plutôt une réorganisation dans un principe de précaution car ils ont vraiment de la difficulté à se projeter. D’une façon générale, les projets de développement RH à moyen terme ont été abandonnés. Les entreprises reviennent plutôt sur des projets de court terme en axant leur politique sur la qualité de vie au travail. L’instabilité économique et géopolitique explique le niveau de prudence des chefs d’entreprise.
Les entreprises disent souvent qu’elles ne trouvent pas de candidats. Qu’en pensez-vous ?
A.C. : Celles qui ne trouvent pas sont celles qui n’utilisent pas tous les canaux. Il faut multiplier les partenaires, mettre en concurrence les cabinets de recrutement qui ont eux aussi souffert des crises. Et puis n’oublions pas que le recrutement est un métier à part entière.
Personnellement, j’ai toujours choisi de l’externaliser. Comment évolue la relation entre entreprises et candidats ?
A.C. : Elle a changé ces derniers mois car le marché s’est rééquilibré. Les candidats n’ont plus des demandes farfelues. Les entreprises ont repris la main. Du côté des cadres notamment, la relation entre l’entreprise qui recrute et les potentiels candidats n’est plus forcément à l’avantage du candidat. Les salaires, par exemple, se négocient beaucoup moins qu’en 2024. Désormais, les entreprises ne cèdent plus sur les salaires. En revanche, elles sont davantage flexibles sur le package en discutant les parts fixe et variable ainsi que les avantages annexes tels qu’une voiture.
Dans ce contexte, comment se comportent les responsables des ressources humaines pour les recrutements ?
A.C. : Ils accordent une attention particulière aux profils recherchés. On voit émerger aussi un nouveau phénomène depuis quelques années : les entreprises lancent les recrutements puis elles se requestionnent en plein processus pour, parfois, arrêter le recrutement…
Quels défis attendent les services RH des entreprises dans les années à venir ?
A.C. : À court terme, les RH doivent impérativement maintenir, au sein des entreprises, un bon climat social car elle peut être un véritable lieu ressource pour les salariés, dans une société où ils ont du mal à se retrouver. La culture d’entreprise peut être un élément sécurisant, un rempart contre la morosité externe.
Une autre préoccupation pour les entreprises est l’amélioration continue de la qualité de vie au travail (QVT). Les services RH font face à un absentéisme des moins de 35 ans plus important que par le passé. C’est un sujet réel. Travailler sa QVT, c’est accompagner les dirigeants à valoriser la reconnaissance, à donner du sens et des objectifs clairs. À aussi donner la parole aux collaborateurs à travers différents canaux, pas uniquement via les représentants du personnel, afin que la parole de tous soit écoutée et prise en compte. À moyen terme, les entreprises devront aborder la question des rémunérations. Depuis 2024 et l’inflation, toutes les entreprises n’ont pas pu proposer des augmentations. Ce sera un sujet pour 2026.
Enfin, à long terme, l’impact de l’intelligence artificielle à la fois dans les processus RH et sur l’évolution professionnelle des salariés est à prendre en compte dans les conditions de travail et pour l’évolution des compétences. Le sujet est complexe mais il faut l’anticiper.
Quels sujets tiennent particulièrement à coeur aux DRH ?
A.C. : Ceux liés aux valeurs, à la RSE, à l’égalité femme homme, à la diversité, à l’inclusion, à la transition écologique… Les DRH ne veulent pas lâcher et restent proactifs pour aider à la transformation des entreprises. Ils sont à même d’éclairer les dirigeants sur les choix organisationnels, les compétences futures nécessaires et la transformation des entreprises.
Les risques psychosociaux font partie des points d’alerte. Est-ce une réalité ?
A.C. : Oui. La fragilité des salariés est palpable. Elle n’est pas due uniquement au milieu du travail. Les DRH constatent, chez les salariés, des déséquilibres et des doutes très forts, souvent difficiles à détecter, mais qui s’accentuent réellement et qui les font vite basculer dans la déprime. L’absentéisme en est une conséquence. Or, le rôle de l’entreprise est aussi d’agir pour prévenir ces situations, maintenir le lien avec le salarié en détresse et libérer la parole.
Cet article est issu de notre hors-série « Les champions de l'emploi et de la formation, à retrouver ici.