En septembre dernier, le groupe grenoblois Soitec s’est lancé dans ce qui pourrait devenir l’un des plus grands programmes énergétiques des décennies à venir. Baptisée Transgreen, cette initiative internationale vise à déployer de très grandes fermes photovoltaïques en zone saharienne, afin de répondre aux besoins énergétiques des pays d’Afrique du Nord. Mais l’ambition est aussi de construire un réseau de distribution et d’interconnexion électrique qui relierait les rives sud et nord de la Méditerranée, permettant à l’Europe de profiter elle aussi des panneaux solaires installés en plein désert africain. Ce vaste plan transméditerranéen, qui vise une capacité de 20 gigawatts à l’horizon 2020, dont 5 gigawatts destinés à être exportés vers l’Europe, s’appuierait sur des lignes sous-marines à haute tension. En rejoignant le consortium d’études soutenu par plusieurs Etats et composé d’une vingtaine d’entreprises (Siemens, Alstom, Areva, EDF, Atos Origin, Nexans, RTE, etc.), Soitec compte bien valoriser la technologie de sa filiale allemande Concentrix Solar, l’un des principaux fournisseurs de systèmes photovoltaïques adaptés aux régions à fort ensoleillement.
Encore au stade des études, relevant presque de la science-fiction, Transgreen n’en symbolise pas moins le rééquilibrage énergétique qui se prépare à l’échelle mondiale. Pas un continent qui n’envisage désormais le déploiement d’énergies renouvelables, à plus ou moins grande échelle. Face à l’efficacité du nucléaire qui n’a pas dit son dernier mot, et des énergies fossiles qui ne peuvent que décliner, c’est l’innovation qui donnera le tempo du basculement à venir. En Californie, depuis longtemps le laboratoire le plus innovant au monde, on a entamé la bataille des cleantechs : après l’informatique, puis Internet, la Silicon Valley veut faire sa révolution verte (1). Laboratoires, capital-risqueurs et élus politiques s’entraînent mutuellement pour créer le premier « green state » au monde : en 2008, quelque 200 start-up solaires y auraient vu le jour !
Rhône-Alpes n’est pas la Silicon Valley. Mais elle pourrait bien devenir la French Green Vallée : laboratoires, entreprises et universités, pôles de compétitivité, incubateurs, pépinières… Cet arsenal en faveur de l’innovation et de l’entrepreneuriat porte ses fruits : en 2009, la région a totalisé 16 % des dépôts de brevets français (alors qu’elle représente 10 % de la population nationale). Certes, cela ne suffit pas. Dans une étude parue récemment(2), la France est le cinquième pays le plus innovant dans les énergies « propres ». Juste derrière la Corée du Sud et au coude-à-coude avec la Grande-Bretagne. Mais loin derrière le Japon, les Etats-Unis et l’Allemagne. Et selon le récent Global Cleantech qui classe les 100 entreprises éco-innovantes au plus fort potentiel, 50 sont américaines, 11 britanniques, 7 allemandes et… 2 françaises (Recupyl et McPhy Energy). Petite consolation : elles sont toutes les deux installées en Rhône-Alpes...
Didier Durand
(1) Michel Ktitareff : « Révolution verte : enquête dans la Silicon Valley », Dunod 2009.
(2) Rapport réalisé par l’Office européen des brevets, le Programme des Nations Unies pour
l’environnement, et le Centre international pour le commerce et le développement durable.