Stéphan Brousse, le président sortant du Medef Paca et de l’UPR, fait le point sur ses mandats à la tête du patronat des Bouches-du-Rhône, et aux niveaux régional et national. Il accepte d’évoquer aussi bien les points forts de sa trajectoire passée que ses ambitions nationales si Pierre Gataz, qu’il soutien, est élu à la présidence. Il annonce ainsi une réforme des Medef régionaux qui devrait leur donner la main sur les Medef territoriaux. Il répond aussi à des questions rarement évoquées, sans langue de bois, si ce n’est de bois vert.
Au terme de vos deux mandats à la présidence de l’UPE 13, puis de l’UPR et du Medef Paca, que retiendriez-vous s'il fallait faire court ?
Sur le plan personnel, ça m’a fait grandir incontestablement. Beaucoup par mon travail au niveau régional, mais aussi au Medef national. Quand vous êtes au conseil exécutif du Medef avec 44 autres membres dont les patrimoines s’évaluent en milliards d’euros chacun et que vous êtes un petit patron de PME, ça vous rassure sur la démocratie du mouvement.
Quant à ce que j’ai pu apporter, c’est, je crois, un esprit d’ouverture. Je pense ne pas être sectaire et j’ai essayé d’ouvrir ce mouvement sur la diversité des parcours. J’ai apporté de la croissance, aussi, et multiplié le nombre d’adhérents, augmenté les budgets et le nombre d’emplois de permanents afin d’offrir plus de services et de meilleure qualité. Et nous avons eu des résultats. La réforme des ports, ce n’est pas un hasard si elle est partie de Marseille. L’ouverture dominicale de Plan-de-Campagne a été aussi une formidable victoire, ainsi que l’élection de Jacques Pfister à la Chambre de commerce de Marseille ou Marseille Provence Capitale de la culture.
Je suis très fier également de la présidence de Laurence Parisot, même si ça c’est mal terminé. Nous avons fait ensemble des choses formidables, en particulier pour les PME jusqu’en 2010. Ensuite, elle m’a permis de participer à un grand nombre de dossiers au plus haut niveau.
Vous vous êtes engagé fortement, dès votre premier mandat, sur les questions d’organisation, de transparence et de gouvernance. Estimez-vous avoir progressé sur ce point ?
C’est compliqué… Nous avons eu des réussites… et des échecs. Pour que les choses bougent, il faut avoir envie de bouger. Tous les Medef sont différents. Il y a 84 Medef territoriaux, 22 régionaux et ils n’ont pas les mêmes moyens. Cela va de 1 à 1 000. Entre les moyens du Medef 13 qui avoisine les 7 millions d'euros de chiffre d’affaires et un Medef territorial qui fait 300 000 €, il y a une marge très différente en personnel, en services et donc en résultats.
Nous, ce qu’on souhaite, c’est créer, petit à petit, un vrai niveau régional sans siphonner les Medef territoriaux. Il y a trois ans, quand je suis arrivé à la présidence du Medef régional, il réalisait 300 000 € de chiffre d’affaires. On va faire un million. Il y avait trois permanents, on va en avoir dix. Je pense que je laisserai une certaine trace sur ce point. Il faudra continuer. Et comme je compte avoir un rôle au niveau national suivant qui l’emporte aux élections, je continuerai à promouvoir cette réforme qui consiste à structurer de beaux Medef régionaux sans pour autant faire disparaître les niveaux territoriaux. On l’a fait ici en Paca avec nos six Medef départementaux. Si ça marche, on le fera au niveau national.
A propos des relations entre les niveaux territorial, régional et national, que s’est-il passé au Medef du Vaucluse ? Il y a eu deux présidents. Vous en avez soutenu un…
Je serai très clair : je n’ai soutenu personne. On m’a demandé une médiation. J’ai dit : "Il faut enlever la marque Medef au Vaucluse, tant qu’il n’y aura pas une association représentative qui se mettra en place, exempte de tous reproches en termes de gouvernance". J’ai conseillé cela. Je n’ai pas été suivi à Paris. Ils ont annoncé à la veille de la réunion du comité exécutif - ce n’est pas un hasard - qu’ils soutenaient le président issu de l’UP du Vaucluse, alors que l’autre avait été élu tout à fait régulièrement. Avec le nouveau président national, cette situation risque de changer…
Pourquoi suis-je hostile à ce qui se passe dans le Vaucluse ? Parce qu’à un moment donné un Medef doit ressembler à un autre, donner le même service à des gens qui attendent la même chose d’une organisation qui porte la même marque. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. A cause de personnes, qui pensent qu’il faut constituer et maintenir des baronnies qui doivent servir d’abord leurs intérêts propres. A partir de là, ils se permettent de multiplier les mandats successifs. C’est pour cela que je prône une réforme très importante et qu’on la fera à partir de cette année si Pierre Gataz est élu à la présidence nationale. Elle prévoit que le Medef régional aura un lien et une fonction hiérarchique par rapport aux Medef territoriaux.
Vous abondez dans un comportement déjà ancien et que les acteurs syndicaux de terrain ressentent comme une caporalisation croissante, qui se traduit par une mise à l’écart des élus trop indépendants…
On ne leur demande pas d’être aux ordres mais de respecter une éthique.
Eux qui donnent leur temps pour le mouvement patronal le ressentent comme une caporalisation. Un goût de la discipline qui a fait payer son indépendance d’esprit à un Henri Mercier, par exemple, lorsqu’il s’est fait virer de la présidence du Conseil économique et social régional au profit d’un représentant d’un syndicat de salariés devenu l’allié objectif de l’UPR…
Cela a été une erreur majeure, j’en conviens.
La même chose s’est passée à la CCI du Vaucluse…
Oui c’est vrai. Jean-Paul Bouisse a été mis dehors alors qu’il était parfaitement respectable. C’était aussi une grave erreur… surtout pour le remplacer par François Mariani…
Pour en venir à des affaires plus récentes et plus proches de vous, votre conquête du Medef Paca en 2010 contre Gérard Cerruti, président sortant et à la tête de l’UP varoise, n’était-elle pas un peu du même ordre ? Cette action est réputée à l’origine de l’échec de Jacques Pfister à la présidence de la CCI régionale… Nombreux sont ceux qui pensent qu’à travers lui, c’était votre action qui était sanctionnée…
Dans l’élection à la Chambre de commerce régionale, il a été beaucoup question d’appartenance, pas de compétence. La question n’a jamais été posée de savoir si Jacques Pfister était plus compétent que Dominique Estève. Moi je peux vous dire aujourd’hui que la réponse ne fait aucun doute. Pourtant la compétence aurait dû primer.
Est-ce que vous croyez que, dans le Var, il n’y a personne capable de remplacer Gérard Cerruti au point qu’il se sente obligé de se présenter pour un sixième mandat ? Cela ne vous pose pas de problème? Je suis contre de tels comportements pour les mêmes raisons que celles qui m’ont fait voter contre une modification de dernière minute des statuts par Laurence Parisot. Cela procède exactement de la même volonté et des mêmes valeurs. Et vous remarquerez que je n’ai fait qu’un mandat dans les Bouches-du-Rhône et un seul au niveau régional.
Est-ce la même logique qui vous a fait intervenir à Aix-en-Provence ?
Dans le Pays d’Aix, il y avait une guerre initiée par un clan qui voulait s’approprier un certain nombre de mandats pour faire ses petites affaires. On y a mis fin mais, croyez-moi, ça a été compliqué. Aujourd’hui, je suis très fier du Pays d’Aix. Et il y a plus de 600 adhérents, trois fois plus qu’à l’époque.
Puisqu’on évoque les disfonctionnements, que s’est-il passé aux élections à l’UPE 13 en 2010 ? Vous aviez demandé à Eric Ammar de se présenter. Il croyait qu’il serait seul candidat et il s’est retrouvé en concurrence avec Jean-Luc Chauvin, pourquoi ?
J’ai toujours dit qu’il fallait qu’il y ait plusieurs candidats et je le dis aujourd’hui pour les niveaux régional et national. Dans ces conditions, le candidat qui passe ne doit rien à personne. Jean-Luc Chauvin, qui l’a emporté, ne me doit rien et Eric Ammar ne m’aurait rien dû non plus s’il avait gagné. Ainsi, le vainqueur doit sa victoire à ses électeurs. Il en est de même de Laurence Parisot. Elle doit sa défaite à ses électeurs et je ne suis qu’un des 22 membres qui ont voté contre elle.
Il est certain que vous ne l’avez pas dit à Eric Ammar avant qu’il se présente, sinon il n’y serait pas allé. En revanche plusieurs excellentes sources affirment que la candidature de Jean-Luc Chauvin a été sinon suscitée du moins encouragée parce qu’Eric Ammar avait refusé un certain nombre d’arrangements liés aux postes à répartir après l’élection. N’y a-t-il pas là un de ces problèmes de gouvernance dont vous êtes pourtant le pourfendeur ?
Ce n’est pas vrai… Pour qu’il y ait bonne gouvernance, il faut qu’il y ait plusieurs candidats et qu’ils laissent leur place au bout d’un mandat.
Mais on peut voir aussi ces péripéties comme autant d’opérations destinées à construire un appareil de plus en plus structuré, obéissant et centralisé, de façon à intervenir de plus en plus puissamment à tous les niveaux ?
Tout dépend du but poursuivi. Si c’est par intérêt personnel, c’est condamnable. Sinon…
N’y a-t-il pas quelque chose de comparable dans votre relation à la CGPME Paca ?
Lorsqu’elle a cherché à prendre son indépendance par rapport à l’UPR, vous lui avez envoyé, pour la punir, une collection de factures à payer, pas vraiment justifiées. Au bout du compte, vous avez perdu en justice…
Soyons clairs. Est-ce que ça existe la CGPME Paca ? Bien sûr que non. Aujourd’hui, c’est une organisation à la solde du Var, c’est tout. C’est l’UP du Var qui décide. Joël Martin, le président de la CGPME Paca, je l’ai eu à mes côtés. Il prend ses ordres dans le Var. Point final.
C’est pour cela que vous avez mal vécu leur indépendance ?
Au contraire, ils sont indépendants et je m’en porte très bien. Soyons clairs. Le budget du Medef Paca va atteindre le million d’euros. C’est quoi celui de la CGPME Paca ? Moins de trente mille euros. Il faut avoir les moyens de ses objectifs. Si vous n’avez pas de moyens, qui fait le boulot ? Moi, je vous ai dit que j’avais embauché six personnes de plus.
Que pensez-vous de la position de la CGPME qui trouve le Medef trop politisé ?
Jean-François Roubaud, le président de la CGPME, n’a pas toujours raison. Mais il n’a pas tort sur cette question. C’est quelqu’un d’assez pragmatique et je pense qu’il a raison de dire que la dérive du Medef a été importante. Nous ne sommes que des chefs d’entreprise en activité, c’est ça notre légitimité. Il ne s’agit pas d’aller singer les politiques alors qu’on n’a pas le pouvoir politique et qu’on ne le réclame pas.
A cet égard, comment jugez-vous la ligne Parisot ?
Elle a connu trois présidents de la République… Elle s’est adaptée. Elle a été la plus complaisante possible avec les trois pour essayer de faire avancer ses idées parce que c’est sa méthode. Est-ce qu’elle a eu des résultats? Un certain nombre, mais… on n’a pas gagné sur tout… Est-ce qu’il y aura une autre méthode à partir de maintenant ? C’est certain !
Propos recueillis par Jacques Gelin
Photo : A. Mellon©
Sud Infos n° 825 du 20/05/2013