Le fabricant grenoblois de fours industriels ECM Technologies livre actuellement le plus gros contrat de son histoire, signé il y a deux ans au Kazakhstan. Le consortium français dont il fait partie (1) construit, à Astana, une usine d’assemblage de modules photovoltaïques à partir de silicium, de wafers et de cellules fabriqués localement. Pour l’équipementier isérois, qui construit les fours desquels sont issus les lingots de silicium, l’affaire est à marquer d’une pierre blanche : sur les 100 millions d’euros affectés à la partie française de ce programme industriel (165 millions d'euros en tout), 40 millions lui reviennent.
Record absolu… qui pourrait en appeler d’autres. “Dans la péninsule arabe, au Maghreb ou en Amérique du Sud, plusieurs pays émergents veulent disposer de leurs propres moyens de production de panneaux photovoltaïques”, explique Yvan Trouillot, directeur d’ECM Technologies, qui annonce ainsi un objectif de 200 millions d’euros de chiffre d’affaires à moyen terme, contre 60 millions aujourd’hui.
Le cas ECM, présenté dans l’hémicycle du Conseil régional dans le cadre du débat national sur la transition énergétique consacré au solaire, redonnera-t-il du baume au cœur à une industrie photovoltaïque française en plein marasme (14 000 emplois perdus en deux ans) ? En tout cas, il est la preuve de la force de frappe technologique et industrielle que peut représenter un groupement français de PME. Du coup, certains pro-européens se prennent à rêver tout haut d’un “Airbus du photovoltaïque”, c’est-à-dire d’une industrie solaire s’appuyant sur le meilleur des laboratoires et l’élite des entreprises du Vieux Continent. C’est l’idée avancée par la ministre de l’Ecologie, Delphine Batho, de “faire de la transition énergétique un moteur du couple franco-allemand”, reprenant celle du Président Hollande d’une “communauté européenne de l’énergie”.
On veut bien croire Eike Weber, de l’Institut Fraunhofer (Allemagne), quand il affirme que “le meilleur est à venir” en matière de photovoltaïque. On veut bien suivre, également, Arnaud Chaperon (Total) selon lequel “la technologie photovoltaïque est loin d’avoir atteint sa maturité”. Mais avant de pouvoir profiter pleinement des hausses de compétitivité annoncées (2), il faudra passer quelques obstacles.
En premier lieu, celui de la restructuration mondiale de la filière secouée par l’ouragan d’une surproduction dans lequel même la Chine (laquelle en est largement à l’origine) s’est laissée prendre. Puis celui du tsunami des gaz et pétrole de schistes qui va considérablement modifier les équilibres géostratégiques et économiques actuels. Il sera alors temps d’affronter d’autres défis, comme celui de la gestion des réseaux électriques, lesquels devront devenir “intelligents”, lorsqu’en 2040 plus d’un Français sur deux sera, en même temps, producteur et consommateur d’électricité.
Didier Durand
(1) Avec le cabinet d’intelligence stratégique CEIS (Paris), le fabricant de cellules photovoltaïques Semco (Montpellier) et l’Ines (Institut national de l’énergie solaire ; Savoie Technolac).
(2) En France, la compétitivité de l’énergie photovoltaïque sera longtemps entravée par la faiblesse du prix du kWh nucléaire.
Photo : ©INES-JC Rifflard.
Bref Rhône-Alpes n° 2119 du 23/05/2013
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